PK 0\-Moa, mimetypeapplication/epub+zipPK 0\-M>f META-INF/container.xml
Consultez toutes nos parutions sur www.hachette-education.com
© HACHETTE LIVRE, 2018, 58 rue Jean Bleuzen, CS 70007, 92178 Vanves Cedex
ISBN: 978-2-01-705942-4
L
e droit constitutionnel désigne la mise en forme par le droit du pouvoir politique. Pouvoir politique : deux mots qui traduisent la domination (le pouvoir est une capacité de commandement qui suppose et génère l’obéissance des gouvernés vis-à-vis des gouvernants) exercée par certaines personnes, encadrée par le droit, au nom du bien commun (la politique a d’abord pour objet d’assurer l’ordre, la justice et la sécurité ; plus largement, elle se rapporte aux relations entre les personnes au sein d’une collectivité organisée). À la suite d’un lent processus historique entamé dès le xie siècle, l’État s’est imposé comme le cadre le plus abouti et le plus légitime de l’organisation du pouvoir politique. Différents facteurs ont contribué à cet essor : la décomposition de la féodalité (qui a rendu nécessaire la concentration du pouvoir) ; l’expansion économique (qui a favorisé les échanges et a justifié le phénomène de monopolisation des ressources financières) ; la séparation progressive du spirituel et du temporel ; la diffusion des doctrines du pacte social (Hobbes, Locke, Rousseau) qui conseillent aux individus, par nature libres et égaux, de fonder par un contrat un État souverain auquel ils sont tenus d’obéir.
En Europe continentale, l’État s’est, dans un premier temps, confondu avec le roi. Les monarques ont exercé leur fonction en son nom : « L’État, c’est moi », dira Louis XIV. Cette formule traduit la puissance de commandement du souverain qui ne rencontre aucun obstacle à l’exercice de ses prérogatives (les droits régaliens) sur les territoires rattachés à la couronne. Le roi exerce et incarne la puissance suprême à l’intérieur du royaume. Les personnes physiques sont ses sujets. L’origine de son pouvoir ne se fonde pas sur un texte élaboré par un pouvoir constituant : le monarque invoque le droit divin comme source de sa puissance (et de sa légitimité). L’État, sous la monarchie personnelle, correspond ainsi à une forme particulière de domination où le droit constitutionnel (alors coutumier) n’intervient qu’à la marge pour régler essentiellement les conditions d’accession à la couronne.
Dans un second temps, le pouvoir de l’État s’est progressivement institutionnalisé : ce phénomène signifie que le pouvoir exercé par le monarque l’est au nom de quelque chose qui ne correspond plus à la personne du roi. Le roi règne non pour lui mais pour une forme d’organisation abstraite que l’on nomme l’État. La célèbre formule, « Le roi est mort, vive le roi », indique qu’au-delà du corps physique du roi perdure une continuité du pouvoir que le roi, personne physique, incarne et qui est l’idée d’État. Les légistes du xvie siècle théorisent la permanence et la continuité du pouvoir d’État à travers la notion de « souveraineté » (notamment Jean Bodin).
La règle juridique dégagée pour construire et assurer cette puissance de l’État, cette permanence du pouvoir, s’appelle « la constitution ». Bien entendu, le mot « constitution » a changé au xviiie siècle pour traduire d’autres idées ; mais le sens commun puise ses origines dans ce processus historique et politique.
Droit constitutionnel : l’expression correspond, d’une part, à l’ensemble des règles constitutionnelles en vigueur dans un État (le droit constitutionnel positif) et, d’autre part, à la discipline qui étudie ces règles (la doctrine de droit constitutionnel). Tel qu’il est enseigné dans les universités et les instituts d’études politiques en France, le droit constitutionnel se donne pour objectif de décrire le phénomène de l’organisation effective du pouvoir. Les grands auteurs, fondateurs de la matière (Maurice Hauriou, Raymond Carré de Malberg, Léon Duguit), insistent sur le caractère institutionnel du pouvoir. « Une institution, écrit Georges Burdeau (1905-1988), est une entreprise au service d’une idée, organisée de telle façon que l’idée étant incorporée dans l’entreprise, celle-ci dispose d’une puissance et d’une durée supérieures à celles des individus par lesquels elle agit » (L’État, 1970). L’étude du droit constitutionnel positif suppose, ainsi, de revenir préalablement sur les notions d’« État » (1) et de « Constitution » (2).
La doctrine de droit constitutionnel part d’un préalable : l’État reste le cadre à l’intérieur duquel s’exerce le pouvoir politique (même si l’épisode du « traité établissant une constitution pour l’Europe » de 2004 a pu relancer la question du détachement entre la notion de « Constitution » et celle d’« État »). Tout État est une personne morale de droit public (A). Chaque État se compose d’éléments constitutifs communs à tous les États (B). Ces éléments fondamentaux forment les rudiments de ce que l’on a coutume d’appeler « la théorie générale de l’État ».
Ce qui caractérise l’État est l’unité. Le concept d’État désigne une institution composée d’organes dont la finalité est d’assurer une cohérence dans l’exercice du pouvoir politique et d’instituer une permanence dans la représentation juridique et sociale d’une collectivité humaine réunie sur un territoire.
Envisagé sous un angle juridique, l’État est une personne morale de droit public. La personnalité morale est la reconnaissance juridique accordée à un groupement organisé afin d’accomplir ses missions. Avoir la personnalité juridique, c’est exister en droit ; c’est être sujet de droit ; c’est détenir une capacité juridique. L’État se singularise par rapport aux personnes morales de droit privé par son objet (l’État agit – en principe – au nom de l’intérêt général), par ses prérogatives exorbitantes du droit commun (la « puissance publique ») et par le droit qui l’encadre (le droit public). Tout est fait pour que les pouvoirs publics, qui expriment la volonté de l’État, édictent des règles obligatoires au nom de l’intérêt général. De plus, la reconnaissance de la qualité étatique s’impose « de plein droit » (Jean Combacau) : contrairement aux autres personnes morales dont l’existence juridique suppose une reconnaissance par un acte juridique, la personnalité juridique de l’État est la condition préalable et nécessaire à la formation d’un ordre juridique.
L’institution étatique s’exprime par l’intermédiaire de personnes physiques ou de groupes de personnes qui agissent en son nom : les élus, les fonctionnaires, les militaires, les agents de l’État. Répartis entre des organes spécialisés dans certaines tâches (le gouvernement, les assemblées parlementaires, les ministères, l’administration...), les acteurs de l’État sont soumis, dans leurs actions, au respect de règles juridiques, en particulier au droit constitutionnel et au droit administratif.
Au sein des personnes de droit public (collectivités territoriales, établissements publics), seul l’État est souverain. Historiquement associée à la puissance législative, cette qualité – la souveraineté – signifie que l’État dispose d’une plénitude de compétences tant à l’intérieur de ses frontières (souveraineté interne) que sur la scène internationale (souveraineté externe). Les juristes ramènent la souveraineté de l’État à cette double idée fondamentale : l’État dispose de la puissance la plus haute dans l’ordre juridique interne (souveraineté-puissance) et il n’est soumis à aucun autre sujet de droit international dans ses rapports avec les autres États (souveraineté-liberté).
Chaque État dispose d’une identité qui le distingue des autres États : son peuple, son territoire, sa (ses) langue(s), son histoire forgent le « génie national ». Mais, pour les juristes, des éléments constitutifs forment le statut juridique de tout État.
Plusieurs critères (les liens historiques, sociologiques et affectifs) sont constitutifs d’unité et de cohérence (voire de solidarité) entre les individus. En droit, la question de savoir si une personne physique est rattachée à un État n’est pas une question psychologique ou culturelle : tout repose sur la nationalité de la personne. Dans son sens usuel, la nationalité est classiquement définie comme le lien juridique de rattachement d’un individu à l’État. La Cour internationale de justice, organe juridictionnel des Nations unies chargé d’interpréter le droit international et de régler les différends entre les États, définit la nationalité comme « un lien juridique ayant à sa base un fait social de rattachement, une solidarité effective, d’intérêts, de sentiments, jointe à une réciprocité de droits et de devoirs » (arrêt Nottebohm, 1955). La nationalité est conférée aux individus par l’État selon différents critères – le droit du sang, le droit du sol, la naturalisation – dont l’étude relève du droit privé. Elle ne se confond pas avec la nation. La nationalité est un titre juridique qui fonde la compétence de l’État sur ses nationaux sur lesquels il détient des pouvoirs et des obligations.
Le peuple, dans un sens constitutionnel, désigne donc l’ensemble des citoyens, titulaires de la nationalité étatique. En France, le Conseil constitutionnel a proclamé la valeur constitutionnelle du principe de l’unité du peuple français en retenant cette signification du mot « peuple ». Pour la haute juridiction, la Constitution française « ne connaît que le peuple français, composé de tous les citoyens français sans distinction d’origine, de race ou de religion » (décision n° 91-290 DC du 9 mai 1991). En apparence claire, cette définition du « peuple », présentée dans la décision du 9 mai 1991, soulève une ambigüité. Faut-il comprendre que seul le peuple « empirique » mérite d’être reconnu comme l’auteur de la Constitution ou bien doit-on admettre, par imputation, que le peuple désigne les citoyens du passé et du présent ? En faveur de la seconde réponse, la décision précitée rappelle que « la référence faite au “peuple français” figure d’ailleurs depuis deux siècles dans de nombreux textes constitutionnels ». Le Conseil constitutionnel semble donc admettre l’existence d’un peuple « perpétuel » qui exprime dans les constitutions successives sa volonté. Une telle conception ne va pas sans soulever de redoutables débats de théorie constitutionnelle. Comment, par exemple, limiter la volonté du peuple actuel au nom de celle du peuple perpétuel ? Comment connaître la volonté de citoyens disparus depuis deux siècles ?
Le peuple s’étend également aux personnes (physiques ou morales) présentes sur le territoire de l’État et qui, par ce fait, sont soumises au droit étatique. Tel est, par exemple, le cas des étrangers qui vivent à titre permanent dans un État. Si la citoyenneté politique ne leur est pas toujours accordée (le droit de vote aux élections locales étant cependant reconnu aux citoyens européens dans les États de l’Union européenne), la question de leur appartenance à la population de l’État ne fait aucun doute.
Tout État possède un territoire. Sans territoire – même de petite superficie (hypothèse du « micro-État » tel le Saint-Siège ou la principauté de Monaco) – l’existence légale de l’État n’est pas possible. Le territoire est l’espace délimité par des frontières et qui désigne la zone de validité spatiale de l’ordre juridique étatique. Le territoire de l’État comprend des éléments terrestres et non terrestres (espace aérien, éventuellement espace maritime) dans le cadre duquel l’État exerce sa souveraineté. À l’intérieur de son territoire, l’État exerce l’intégralité de ses compétences à l’exclusion de tout autre État.
Les caractéristiques du territoire de chaque État varient en fonctions de divers critères au premier rang desquels se trouvent les spécificités géographiques.
Ainsi, un État sans littoral (tel la Suisse) – appelé État enclavé – ne possédera pas d’espace maritime (néanmoins le droit international lui confère un droit d’accès à la haute mer), tandis qu’un État côtier exercera sa souveraineté sur une portion de l’espace maritime appelé « mer territoriale ». Mais ici les différences géographiques engendrent des différences juridiques sur l’exercice des droits de l’État sur l’espace maritime. Par exemple, un État archipel (comme le Japon) ne peut délimiter la zone de sa mer territoriale de la même manière qu’un État continu. De plus, les frontières du territoire peuvent évoluer en fonction des circonstances politiques comme en atteste le cas de l’Alsace-Lorraine, région tantôt intégrée dans le territoire français, tantôt annexée au territoire allemand.
Le principe qui caractérise l’État, sous l’angle du pouvoir de commandement, se nomme la souveraineté. L’État bénéficie d’une position dominante dans ses frontières dans la mesure où il est l’unique sujet souverain. En droit interne (ou droit étatique), seuls les organes de l’État sont les auteurs des règles juridiques valides sur le territoire : pourquoi obéit-on à la loi ? Parce que l’État le décide et en impose le respect au moyen de la contrainte. « L’État est un ordre juridique relativement centralisé », écrit Kelsen dans sa Théorie pure du droit (1962). Par ce trait – la centralisation – l’ordre juridique étatique se distinguerait des autres ordres juridiques que Kelsen appelle « les ordres juridiques primitifs pré-étatiques » (les corporations ; le système de droit produit par une église : le droit canonique...) et « l’ordre juridique supra ou inter-étatique du droit international général ». Seul l’État fonctionne avec un législateur centralisé, des tribunaux sanctionnant effectivement la violation des normes générales posées par les organes de l’État. Si l’État représente le système juridique le plus perfectionné, c’est avant tout parce qu’il est la forme d’organisation sociale où règne l’effectivité du droit.
Le principe de souveraineté signifie, au regard du droit international, l’exclusivité de compétences de l’État sur son territoire : tout État a le droit de s’opposer aux agissements d’autres États sur son territoire. De plus, l’État est libre de participer aux relations internationales en défendant ses intérêts. Cette liberté doit s’exercer dans le respect de celle reconnue aux autres États.
Le dilemme des États contemporains est la confrontation du principe de la souveraineté du peuple (titulaire de la souveraineté) avec celui de la puissance de l’État. Comment concilier l’État et les citoyens ? L’une des réponses insiste sur l’encadrement du pouvoir par la Constitution. La démocratie constitutionnelle assure la permanence des principes fondateurs tout en rendant effectif le régime politique démocratique.
Les révolutions du xviiie siècle marque la naissance de la notion moderne de « constitution ». La Constitution se définit, depuis cette époque, comme la Loi fondamentale, adoptée et modifiée dans des conditions spéciales, qui organise le pouvoir dans l’État en vue de le limiter. De cette définition se dégage une double perspective de la notion de « constitution ». Sur le plan formel, une constitution se présente comme un document unique car adopté en forme solennelle par le pouvoir constituant et modifiable dans des conditions particulières (la révision). Sur le plan matériel, une constitution énonce des règles juridiques dotées d’une autorité supérieure (à la loi) car elles organisent le pouvoir politique de l’État et assurent aux citoyens des droits face à l’État.
L’idée de constitution est ancienne. Toutefois, l’expression ne revêt pas les mêmes significations selon les époques. Les révolutions américaines et françaises inventent la constitution politique écrite, œuvre du pouvoir constituant et élaborée en vue d’encadrer les modalités d’accession, d’exercice et de cessation du pouvoir politique.
Le point de départ de la révolution américaine est symboliquement exposé par la Déclaration d’indépendance. La Déclaration d’indépendance du 4 juillet 1776 exprime le rejet définitif de l’emprise de la couronne britannique sur les populations du continent américain (13 colonies). Œuvre de Thomas Jefferson (1743-1826), ce texte « rappelle des vérités évidentes » (le principe de l’égalité naturelle entre les hommes ; la reconnaissance de droits inaliénables aux individus tels que la vie, la liberté, la recherche du bonheur) et constate que l’Angleterre usurpe ces droits naturels. La Déclaration en conclut que « tout lien entre les colonies et la Grande-Bretagne est et doit être entièrement dissous ». L’indépendance, obtenue notamment grâce à l’alliance militaire de 1778 signée entre le royaume de France et les Américains, sera officiellement reconnue par le Royaume-Uni en 1783 par la signature du traité de Versailles. La Déclaration d’indépendance des États-Unis du 4 juillet 1776 s’ouvre sur un Préambule à vocation universelle, qui proclame que « Nous tenons pour évidentes par elles-mêmes les vérités suivantes : tous les hommes sont créés égaux ; ils sont doués par le Créateur de certains droits inaliénables ; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur. Les gouvernements sont établis par les hommes pour garantir ces droits ».
Ensuite, chacune des 13 colonies se dote d’une constitution et d’une déclaration de droits dès que l’indépendance les fait accéder à la qualité d’États. La plus célèbre est celle de la Virginie de 1776. Les 13 colonies fondent un État de type fédéral. La Constitution des États-Unis de 1787 est proclamée en réaction au modèle anglais. La naissance des États-Unis débute par la rédaction de la Constitution entre 1783 et 1787. Réunis à Philadelphie en congrès, cinquante-cinq représentants des 13 colonies vont élaborer un texte constitutionnel original. L’influence du Fédéraliste est essentielle pour la fondation du droit constitutionnel américain (David Mongoin, Le pari de la liberté, 2012). Cet ouvrage fut rédigé par Hamilton, Jay et Madison afin de convaincre les délégués de la convention de Philadelphie de ratifier la Constitution de 1787. Les trois auteurs se cachent derrière un personnage, Publius, qui plaide en faveur d’une république démocratique fonctionnant suivant un équilibre parfait entre les organes de l’exécutif, du législatif nécessairement bicaméraux et du pouvoir judiciaire.
Que déduire de ce processus constituant ? Précisément que la Constitution politique des États-Unis est un acte de volonté. La Constitution américaine expose au nom du peuple libre la manière dont le pouvoir politique se constitue. Thomas Paine définit ainsi ce qu’est une constitution : « un acte non pas du gouvernement mais du peuple constituant un gouvernement ». L’originalité et le caractère essentiel résident dans l’antériorité de la Constitution sur les pouvoirs politiques. On retrouvera cette idée fondamentale dans la conception des révolutionnaires français : les pouvoirs constitués agissent en vertu et sur le fondement de la Constitution, œuvre du pouvoir constituant.
La Révolution française scelle durablement la nouvelle conception de la constitution politique sur le territoire de l’Europe continentale. Suite au serment du jeu de paume (20 juin 1789), les révolutionnaires de 1789 renversent des principes d’organisation du pouvoir d’Ancien Régime. « L’Assemblée nationale, considérant qu’appelée à fixer la constitution du royaume […] arrête que tous les membres de cette Assemblée prêteront serment de ne jamais se séparer […] jusqu’à ce que la Constitution du royaume soit établie et affermie sur des fondements solides. » Une assemblée nationale constituante composée de représentants élus se charge de rédiger la Constitution. Ils commencent par rédiger, durant l’été 1789, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (l’écriture est arrêtée le 26 août) afin d’exposer les droits « naturels inaliénables et sacrés de l’homme » et afin que les actes du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif les respectent. Puis ils engagent la rédaction de ce qui deviendra la première Constitution française : la Constitution du 3 septembre 1791. Le mot « constitution » prend alors son sens moderne : il correspond au « texte réglant les modalités de formation et d’exercice de la puissance publique » (F. Furet, La Monarchie républicaine, 1996). Le débat sur la question de la place du roi dans les institutions illustre le changement de perspective. En septembre 1789, les constituants se divisent sur la reconnaissance au roi du droit de sanctionner les lois votées par le corps législatif. Deux courants s’affrontent : pour les uns (Sieyès), le roi ne saurait opposer sa volonté à la souveraineté de la nation ; pour les partisans de l’ancienne idée de constitution (Mounier, Lally-Tollendal), le roi seul incarne le bien commun ; il doit donc pouvoir opposer sa volonté à l’entrée en vigueur d’une loi. La Constitution du 3 septembre 1791 marque la victoire des partisans d’une limitation des prérogatives royales. Les « pouvoirs constitués » – y compris le roi – sont soumis à la volonté de la Constitution puisqu’ils n’existent que par elle : le roi, jusqu’alors monarque de droit divin, devient un organe public soumis au droit constitutionnel. Le principe du constitutionnalisme libéral va s’inscrire dans le texte de la Constitution du 3 septembre 1791. L’article 3 (chapitre II, tome III) dispose : « […] il n’y a point en France d’autorité supérieure à celle de la loi. Le roi ne règne que par elle, et ce n’est qu’au nom de la loi qu’il peut exiger l’obéissance ».
Plusieurs définitions de la notion de « Constitution » sont proposées par les auteurs. Ces conceptions variées s’expliquent essentiellement par les méthodes utilisées pour aborder le droit.
L’approche normative s’inspire du juriste autrichien Hans Kelsen (1881-1973). La Constitution renvoie à l’ensemble des règles qui sont énoncées dans une loi écrite et solennelle dotée d’une autorité supérieure et dont la modification suppose d’emprunter une procédure spéciale appelée « la révision » (conception formelle). Son objet consiste principalement à fonder la validité de l’ordre juridique (conception matérielle) : une loi sera considérée comme une norme juridique obligatoire à la condition de respecter la Constitution (cette dernière fixant les modalités de production des normes juridiques et énonçant des principes qui s’imposent).
L’approche politique puise ses origines intellectuelles dans des auteurs qui considèrent que le droit, en particulier constitutionnel, trouve ses origines et son contenu dans les rapports sociaux. Produit de l’histoire, de combats politiques et de calculs (les « intentions » du pouvoir constituant), une Constitution poursuit quelques objectifs généraux en démocratie :
elle aménage les relations entre les gouvernants et les gouvernés en veillant au respect de certains critères : les gouvernants sont choisis à la suite d’élections libres et pluralistes ; l’opposition politique détient des droits ; les gouvernés sont titulaires de droits et libertés dont le respect est vérifié par des juridictions ;
elle donne aux gouvernants les moyens de gouverner ;
enfin, elle établit un État de droit : ce principe correspond à la soumission par l’ensemble des organes de l’État (y compris le législateur) à un droit supérieur (le droit constitutionnel ; le droit européen ; les principes fondamentaux). En somme, la Constitution est devenue le moyen de réaliser la démocratie
Dans la même collection :
Droit, Politique
7 Les institutions de la Ve République (Ph. Ardant, S.-L. Formery)
9 La fiscalité en France (P. Beltrame)
12 Introduction à la science politique (J.-M. Denquin)
17 La Constitution commentée, article par article (S.-L. Formery)
19 Les collectivités territoriales en France (E. Vital-Durand)
22 Contentieux administratif (D. Turpin)
34 Philosophie politique / 1. Individu et société (M. Terestchenko)
35 Philosophie politique / 2. Éthique, science et droit (M. Terestchenko)
46 Droit administratif (J.-C. Ricci)
47 Mémento de la jurisprudence administrative (J.-C. Ricci)
57 Introduction au droit de l’Union européenne (J. Dutheil de la Rochère)
86 Droits fondamentaux et libertés publiques (J.-M. Pontier)
110 Histoire des grands courants de la pensée politique (J.-J. Raynal)
121 Droit des sociétés (J. Bonnard)
129 Droit du travail (M. Le Bihan-Guénolé)
131 Mémento de la jurisprudence du droit international public (B. Tchikaya)
132 Droit pénal général (P. Canin)
137 Droit des entreprises en difficulté (J. Bonnard)
143 Droit matériel de l’Union européenne (J. Dutheil de la Rochère)
144 Droit commercial (P. Canin)
146 Méthodes de travail de l’étudiant en droit (J. Bonnard)
147 Droit public économique (J.-P. Valette)
148 Droit civil/Les obligations (P. Canin)
152 Histoire du droit et des institutions (D. Berthiau)
156 Droit civil/Les biens (R. Desgorces)
161 Quel droit pour l’environnement ? (S. Maljean-Dubois)
164 Droit constitutionnel (P. Blachèr)
173 Mémento de la jurisprudence - Droit des sociétés / Le juge et la société (J.-L. Navarro)
178 Mémento de la jurisprudence - De la CEDH (Y. Lécuyer)
179 Droits et libertés constitutionnels (P. Blachèr, J.-É. Gicquel, P. Jan)
181 Droit budgétaire – Comptabilité publique (D. Catteau)
182 Les 7 principes du droit pénal (Y. Jeanclos)