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Les Institutions de la Ve RépubliqueCouverturePage de titreCopyrightIntroductionI. Peut-on parler d’un échec de la IVe République ?II. La prise du pouvoir par le Général de GaulleChapitre 1 : L’élaboration de la Constitution du 4 octobre 1958I. Des sources d’inspiration variéesA - Les idées du Général de Gaulle1 . Bayeux2 . Les thèmesB - Les propositions issues du débat sur les institutions1 . Les idées novatrices de Michel Debré et des hauts fonctionnaires2 . L’apport des hommes politiquesII. La procédure : les techniciens, les politiques et le peupleA - Conseils et commissions : le dialogue des techniciens et des politiquesB - Le référendum du 28 septembre 1958 : une large approbation populaire1 . La campagne du référendum : le PC à peu près seul contre tous2 . Les résultats du référendum : un succès éclatant pour le Général de GaullePage 2Page 15Page 16Page 17Page 18Page 19Page 20Page 21
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L’élaboration de la Constitution du 4 octobre 1958
Chapitre 1 : L’élaboration de la Constitution du 4 octobre 1958
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ès son investiture, le général de Gaulle va solliciter et obtenir le vote de deux textes :
une loi accordant les pleins pouvoirsà son gouvernement pour une durée de six mois, c’est-à-dire l’autorisant à prendre par décrets des mesures relevant normalement de la loi (à l’exception expresse du domaine des libertés publiques). Le Parlement se met d’autre part en congé jusqu’à la session d’automne (en fait, il ne se réunira plus) ;
une loi constitutionnelle, datée du 3 juin, qui, écartant la procédure de révision prévue par la Constitution de 1946, habilite le gouvernement du général de Gaulle à réviser cette Constitution.
Disposant des pleins pouvoirs, mandaté pour réviser la Constitution, délivré du contrôle du Parlement et soutenu par l’opinion publique, le général de Gaulle a les mains libres. Pas tout à fait cependant : le temps lui est mesuré, et surtout la délégation du pouvoir constituant n’est pas totale. La loi constitutionnelle du 3 juin 1958 fixe un certain nombre de principes, les cinq bases, auxquelles la révision ne pourra toucher ; elle précise en outre la procédure à suivre pour modifier la Constitution.
Les cinq bases de la loi du 3 juin 1958
1. Le suffrage universel, seule source du pouvoir, le législatif et l’exécutif dérivent de lui, il donne leur légitimité au Parlement et au gouvernement.
2. La séparation du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif.
3. La responsabilité du gouvernement devant le Parlement.
4. L’indépendance de l’autorité judiciaire, proclamée gardienne des libertés essentielles.
5. L’organisation de nouveaux rapports entre la France et les peuples qui lui sont associés.
En réalité, sur le fond, ce sont les principes issus de la tradition républicaine française dont le Parlement impose le respect au général de Gaulle : le suffrage universel, la séparation des pouvoirs et le régime parlementaire, auxquels les circonstances ajoutent l’élaboration d’un statut liant la métropole à ses possessions coloniales. Un autre principe, lui aussi classique, s’imposera : le bicéphalisme de l’exécutif, c’est-à-dire la distinction d’un président de la République et d’un Premier ministre. Sur cette trame s’enchevêtrent les idées constitutionnelles chères à Charles de Gaulle et celles issues d’une réflexion réformatrice qui n’a pas cessé depuis 1946. Le résultat sera une Constitution à mi-chemin entre la continuité et la rupture.
I. Des sources d’inspiration variées
Les innovations apportées par la Constitution de 1958 procèdent de plusieurs sources d’inspiration.
A– Les idées du Général de Gaulle
Issu d’une famille de juristes, le général de Gaulle n’a pas lui-même de formation juridique. Cependant, les circonstances depuis sa captivité pendant la Première Guerre mondiale, ses relations avec des hommes politiques entre les deux guerres, son passage au gouvernement en 1940, jusqu’à son rôle de chef de la France libre, l’ont amené à réfléchir sur les institutions et lui ont donné l’expérience de leur fonctionnement.
1. Bayeux
S’étant placé à l’écart du pouvoir en janvier 1946, il avait mis en forme ses idées dans un discours prononcé à Bayeux le 16 juin 1946.
Le discours de Bayeux
Les Français avaient repoussé le 5 mai 1946 le projet de Constitution qui leur était proposé par voie de référendum. Le général de Gaulle, retiré à Colombey, décide alors d’exposer sa conception de ce que devrait contenir la Constitution. Il profite d’une invitation à Bayeux, première sous-préfecture libérée deux ans plus tôt, pour prononcer un discours, longuement médité, sur les institutions. Cette leçon de droit constitutionnel ne restera pas sans influence sur l’élaboration en cours de la nouvelle Constitution, mais elle ne bouleversera pas le système dans le sens du renforcement de l’exécutif souhaité par le Général. Les grands thèmes qui seront repris finalement en 1958 s’y trouvent développés ; à ce titre on pourra qualifier le discours de Bayeux de « brouillon » de la Constitution de 1958.
2. Les thèmes
La préoccupation maîtresse est que les institutions assurent au pouvoir une grande stabilité. Il faut préserver la cohésion des gouvernements, l’efficacité de l’administration, le prestige et l’autorité de l’État. À partir de là, le général de Gaulle développe plusieurs thèmes :
▶ une exaltation de l’État, maintenu, puis restauré par lui en 1944 ;
▶ la séparation et l’équilibre des pouvoirs ;
▶ un Parlement bicaméral.La seconde chambre, complémentaire de la première, et disposant comme elle de l’initiative des lois, serait partiellement composée de représentants des organisations économiques, familiales et intellectuelles. Cette ouverture, non retenue en 1958, inspirera le projet de révision de 1969 ;
▶surtout, un chef de l’État fort, pour un État lui-même fort :
placé au-dessus des partis et donc élu non pas par le Parlement, mais par un collège électoral englobant ce dernier mais beaucoup plus large (formule en outre plus respectueuse de la séparation des pouvoirs) ;
ayant pour mission de choisir les ministres, et d’abord le « Premier », en accord avec la majorité du Parlement ; de présider les conseils du gouvernement, de promulguer les lois et de prendre les décrets ;
chargé d’assurer la continuité de la vie nationale ;
appelé à servir d’arbitre « par le conseil » (et non par la décision) et pouvant au besoin en appeler au peuple par la dissolution (il n’est pas question de référendum) ;
en cas de péril, destiné à être le garant de l’indépendance nationale et du respect des traités.
De tous ces thèmes, c’est sur le dernier – le chef de l’État – que le général de Gaulle insiste le plus. On les retrouvera dans la Constitution de 1958, et la pratique gaullienne amplifiera ensuite leurs virtualités au-delà des prévisions.
B– Les propositions issues du débat sur les institutions
Le débat constitutionnel n’était retombé à aucun moment depuis 1946.
1. Les idées novatrices de Michel Debré et des hauts fonctionnaires
Au cœur de la réflexion constitutionnelle, on trouve Michel Debré. Gaulliste fidèle, juriste formé au Conseil d’État, auteur d’ouvrages remarqués, il allait jouer – entouré de jeunes collègues – un rôle déterminant dans l’élaboration de la Constitution.
Michel Debré partage le souci du général de Gaulle de restaurer l’autorité de l’État et d’instituer un exécutif fort. De lui viennent les dispositions de « rationalisation du parlementarisme » confortant la situation du gouvernement en face du Parlement ; il impose aussi la règle du non-cumul d’un portefeuille ministériel et d’un mandat parlementaire, destinée à distendre les liens des ministres avec leur parti et à souder la cohésion de l’équipe gouvernementale. Il échouera en revanche à faire accepter, pour provoquer la naissance d’un bipartisme, le système électoral britannique du scrutin uninominal à un tour qu’il n’a cessé de défendre ensuite.
Autour de lui, les jeunes maîtres des requêtes au Conseil d’État réussirent à faire adopter un certain nombre d’idées hardies, telles la limitation du domaine de la loi, arme majeure destinée à contenir le Parlement.
2. L’apport des hommes politiques
La volonté de renouvellement s’est combinée avec l’influence modératrice – moins conservatrice qu’on n’aurait pu s’y attendre – des hommes politiques qui, à des titres divers, ont été associés à l’élaboration du projet. Si, par exemple, ils se sont efforcés de limiter le cantonnement du domaine de la loi, ils n’ont pas été opposés à toutes les innovations et en ont même introduit quelques-unes inspirées du projet de révision constitutionnelle en cours devant le Parlement : constitutionnalisation de la délégation législative, procédures de la motion de censure de l’article 49, alinéas 2 et 3 (v. infra).
En définitive, il existait un consensus général sur la réforme des institutions. Les réflexions et les travaux antérieurs ont largement contribué à l’élaboration de la nouvelle Constitution ; beaucoup d’idées étaient dans l’air, il n’est pas toujours facile d’en attribuer avec certitude la paternité. Mais le grand débat de fond qui opposait partisans du régime présidentiel à ceux du régime parlementaire devait vite tourner en faveur des seconds : le système serait parlementaire ; en droit, ce débat était tranché dès la loi du 3 juin.
II. La procédure : les techniciens, les politiques et le peuple
La loi du 3 juin 1958 posait aussi un certain nombre de contraintes de forme destinées à associer, au moins de façon minimale, le Parlement à la rédaction du texte et à imposer sa ratification par le peuple.
A– Conseils et commissions : le dialogue des techniciens et des politiques
Rompant avec la tradition française, la nouvelle Constitution ne sera pas l’œuvre d’une assemblée constituante. En conséquence, elle ne sera pas élaborée dans un débat au Parlement par des représentants élus de la Nation, mais dans le secret de conseils et de commissionsdont les travaux, restés longtemps confidentiels, ne seront révélés officiellement dans leur intégralité que trente ans plus tard.
Dans la pratique, un dialogue, direct ou indirect, s’est établi entre des experts en droit public et des élus cautionnant par leur participation le caractère démocratique de la procédure. Quelles en furent les étapes ?
▶ Une première phase gouvernementaletout d’abord. Un groupe de travail, présidé par Michel Debré, réunit de jeunes membres du Conseil d’État, en même temps que se tient à Matignon, sous la présidence du général de Gaulle, un conseil interministériel où siègent les ministres d’État qui assurent au sein du gouvernement la représentation des partis de la majorité. Des projets font la navette, les échanges de vues enrichissent le schéma initial.
Le résultat de ces travaux est transmis au Conseil des ministres, il est approuvé par lui et publié le 29 juillet.
▶Entre alors en scène le Comité consultatif constitutionnel (CCC) et commence une phase quasi parlementaire. Prévu par la loi du 3 juin, le Comité est composé de 39 membres dont 26 parlementaires élus par leur assemblée (Assemblée nationale : 16 ; Conseil de la République : 10) et de 13 personnalités choisies par le gouvernement. Son intervention est destinée à assurer la présence du Parlement dans la procédure. De façon plutôt restrictive : il siège à titre consultatif, au Palais-Royal (et non au Palais-Bourbon ou au palais du Luxembourg), et il ne dispose que de quinze jours pour se prononcer. Il consacrera une bonne part de ses travaux aux problèmes de l’outre-mer et à la défense des prérogatives traditionnelles du Parlement. Il achève sa tâche le 14 août.
▶ Une nouvelle phase gouvernementales’ouvre ensuite. Le texte adopté par le CCC est transmis au groupe de travail, au conseil interministériel et au gouvernement ; plusieurs propositions du Comité sont intégrées au projet. Ainsi modifié, celui-ci est soumis à l’examen du Conseil d’État, le 28 août, après un très important discours de présentation de Michel Debré. Le 3 septembre, le Conseil des ministres, retenant certaines observations du Conseil d’État, adopte le projet définitif sur lequel le peuple sera invité à se prononcer par référendum.
En définitive, ce n’est pas une Constitution révisée qui est proposée aux Français, mais un texte entièrement nouveau à l’établissement duquel leurs représentants n’ont pris qu’une part modeste.
B– Le référendum du 28 septembre 1958 : une large approbation populaire
Une procédure faisant aussi peu appel aux élus du Parlement appelait une ratification populaire. Les Français sont donc conviés à se prononcer sur le texte. En réalité, ils vont prendre position pour ou contre le général de Gaulle, dans ce qui va apparaître comme un plébiscite spontané.
1. La campagne du référendum : le PC à peu près seul contre tous
Le général de Gaulle, bien sûr, invite à approuver le texte, sans toutefois mettre très clairement son départ dans la balance en cas de rejet. Il mène une campagne active en Afrique et à travers la France jusqu’à la veille de la consultation, usant déjà avec art de la radio et de la télévision.
Du côté des partis politiques, les prises de position en faveur du « oui » sont les plus nombreuses. La droite et les gaullistes sans hésitation, le centre avec un enthousiasme mesuré, les socialistes et les radicaux de façon plus partagée. Des personnalités pourtant restent à l’écart de cette adhésion : à droite, des fidèles du maréchal Pétain restés hostiles au général de Gaulle ; à gauche, Pierre Mendès France et François Mitterrand car ils désapprouvent les conditions du retour au pouvoir du Général et craignent – ou feignent de craindre – l’instauration d’un pouvoir personnel. Seul des grands partis, avec quelques petites formations d’extrême gauche, le parti communiste manifeste une opposition résolue au projet.
2. Les résultats du référendum : un succès éclatant pour le Général de Gaulle
Une participation massive et un succès du « oui », inattendu par ses proportions, telles sont les deux principales leçons du scrutin
En métropole, 83,84 % des électeurs inscrits ont pris part au vote, et 79,20 % d’entre eux ont approuvé le projet (soit 66,4 % du corps électoral, contre 36,1 % en 1946). Outre-mer, le succès est plus considérable encore : en Algérie, avec une participation de 80 %, les « oui » sont 96,5 %, et en Afrique 94,5 %. Seule la Guinée, à l’initiative du président Sekou Touré, répond « non », refusant par là même d’entrer dans la Communauté instituée par la Constitution.
Le texte est promulgué le 4 octobre 1958. Un certain délai était encore nécessaire pour qu’il soit applicable dans son intégralité. Sur certains points, en effet, la Constitution prévoyait elle-même qu’elle devrait être complétée par des lois organiques, lesquelles prirent en fait la forme, sur la base de son article 92, d’une série d’« ordonnances » adoptées jusqu’en février 1959. Restait ensuite à mettre en place les nouvelles institutions, c’est-à-dire essentiellement à élire le président de la République, les députés et les sénateurs, à composer le gouvernement et à nommer les membres du Conseil constitutionnel. C’est seulement à partir de mars 1959 que la Ve République a été en état de fonctionner
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u début du printemps 1958, la IVe République est dans sa douzième année, elle n’a plus que quelques semaines à vivre : en quinze jours, en mai, elle va s’effondrer pour laisser la place à un nouveau régime dont les fondements seront posés, très vite, au cours de l’été.
Pourquoi une Ve République, alors que la réforme des institutions est à l’ordre du jour, qu’une révision constitutionnelle est en cours avec des chances sérieuses de modifier en profondeur le fonctionnement du système, tout en restant dans le cadre de la Constitution de 1946 ? Les institutions sont-elles à ce point inefficaces ou usées qu’on ne puisse les aménager ? Pourquoi le recours au général de Gaulle va-t-il s’imposer ? Pourquoi va-t-on rompre sur tant de points avec l’héritage des constitutions précédentes ?
Les institutions de la IVe République en 1958
Un Parlement composé de deux chambres. Ce bicaméralismeest très inégalitaire. L’Assemblée nationaleest élue à la représentation proportionnelle, son point de vue prévaut en matière législative et elle seule peut renverser le gouvernement. Le Conseil de la République, élu au suffrage indirect, dispose lui aussi de l’initiative des lois, mais doit s’incliner devant l’Assemblée en cas de désaccord.
Un Conseil des ministres ayant à sa tête un président du Conseil, qui, désigné par le président de la République, constitue son Gouvernement et sollicite l’investiture, à la majorité relative au besoin, de l’Assemblée nationale. Le président du Conseil est le véritable chef de l’exécutif, il a l’initiative des lois, dispose du pouvoir réglementaire et du droit de dissolution (très difficile à mettre en œuvre).
Un Président (René Coty) élu par les deux chambres réunies en Congrès. Ses pouvoirs nominaux, assez nombreux, sont rendus très formels par l’exigence du contreseing d’un ministre attestant l’accord du gouvernement. Il joue un rôle effacé.
1. Peut-on parler d’un échec de la IVe République ?
La chute de la IVe République serait la sanction naturelle de son échec, des institutions inefficaces auraient engendré un immobilisme laissant sans solution les problèmes de la vie nationale. Ce genre de constat en forme de réquisitoire est très répandu, est-il pour autant fondé ?
➜ Des institutions inefficaces ?
L’impression d’inefficacité des institutions tient avant tout à l’instabilitéqui caractérise l’exécutif : les gouvernements se succèdent sur un rythme accéléré, celui de Félix Gaillard est, en mars 1958, au moment où le régime vacille, le vingtième depuis la mise en application de la Constitution de 1946 ; la France reste parfois plus d’un mois sans gouvernement – en moyenne leur durée de vie est de six mois.
Mais l’instabilité gouvernementale ne signifie pas l’impuissance politique. Dans bien des domaines, le bilan de la IVe République est largement positif. Qu’il suffise d’évoquer la reconstruction du pays et la modernisation de son économie, le développement de la sécurité sociale, l’amélioration constante du niveau de vie, la réussite technique de beaucoup de nationalisations, le début de la construction de l’Europe et de la réconciliation avec l’Allemagne… Certes, les gouvernements changent souvent, mais cela n’entraîne pas nécessairement des réorientations brutales de la politique ; la permanence de l’administration, l’action de grands commis comme Jean Monnet, Louis Armand, Paul Delouvrier, assurent une continuité dont le pays recueille les fruits.
Les Français n’en sont pas conscients ; le régime ne dispose pas d’un soutien populaire, il n’est ni aimé ni compris. Les citoyens sont sensibles avant tout à la succession des gouvernements, qui ne rencontrent que l’indifférence – à l’exception notable de celui de Pierre Mendès France en 1954. Les raisons d’être des crises leur échappent, ils condamnent « les jeux, les poisons, les délices » de ce que le général de Gaulle baptisera « le système ». S’il y a crise, il s’agit moins d’une crise d’efficacité que d’une crise de confiance.
➜ La responsabilité du système de partis
En réalité d’ailleurs, l’instabilité gouvernementale tient moins à un défaut de conception des institutions qu’à l’impossibilité de dégager une majorité politique cohérente, disposée à soutenir durablement un gouvernement.
L’Assemblée nationale, dont la confiance était nécessaire au gouvernement, était élue à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne. Le résultat était la multiplication des partis politiques représentés à la Chambre basse, aucun n’obtenant à lui seul la majorité, et un émiettement des formations du centre, où, en l’absence de parti majoritaire, un appui devait être recherché pour gouverner. Le centre, partout dans le monde, a vocation à être au pouvoir. Ici, s’il ne pouvait s’y porter seul, ses composantes n’aimaient guère non plus se retrouver ensemble aux côtés des grandes formations de droite ou de gauche ; soucieuse d’affirmer son identité, chacune était prête à déclencher une crise pouvant lui ouvrir (ou élargir) une place au sein du nouveau gouvernement. Le système des partis était responsable de l’instabilité gouvernementale.
Mais encore une fois, les institutions n’avaient pas empêché que se règlent – et souvent de façon heureuse – la plupart des grands problèmes posés au pays. À l’exception de l’Algérie.
➜ L’Algérie
Depuis 1954, le régime se trouvait confronté à un drame qui le dépassait : celui de l’Algérie. Certes, et c’était là encore l’un de ses actifs, la décolonisation avait été largement amorcée : le Vietnam, dans le sang puis par la négociation (accords de Genève, 1954) ; la Tunisie (1955) et le Maroc (1956), sans trop d’affrontements ; un début d’émancipation de l’Afrique noire avait été entrepris avec la loi-cadre de 1956.
« L’affaire algérienne » était beaucoup plus grave et compliquée. Aucune solution acceptable par le pays ne se dégageait. Des raisons affectives très fortes – une présence remontant à 1830, un million d’Européens installés sur place, une certaine nostalgie de l’Empire – s’opposaient à tout ce qui pouvait apparaître comme une remise en cause du statu quo, interprétée comme un « abandon ». Au surplus, les institutions ne donnaient peut-être pas assez d’autorité aux gouvernants pour imposer une solution.
Déjà, depuis des années, faute d’une ligne politique clairement définie, le pouvoir central avait perdu le contrôle de la situation de l’autre côté de la Méditerranée. La politique algérienne se décidait à Alger sous la pression des milieux « pieds-noirs » appuyés par l’armée, et non à Paris dans les réunions gouvernementales.
Les circonstances allaient offrir le pouvoir au général de Gaulle ; avec lui on avait l’homme capable de régler le problème algérien.
2. La prise du pouvoir par le Général de Gaulle
Le 13 mai 1958, le général de Gaulle est dans une semi-retraite à Colombey-les-Deux-Églises. Le 2 juin, investi par l’Assemblée nationale à la tête du gouvernement, il devient le dernier président du Conseil de la IVe République.
➜ La crise du 13 mai
Le gouvernement de Félix Gaillard n’avait pas résisté à l’émotion suscitée dans le monde par le bombardement meurtrier, effectué par l’aviation française, d’un village tunisien où étaient installés des rebelles algériens. La perspective de son remplacement par Pierre Pflimlin, suspect aux yeux des Français d’Algérie d’être favorable à des négociations avec le Front de libération nationale algérien (FLN), entraîne, le 13 mai 1958, des émeutes à Alger.
Sous l’œil passif de l’armée, et même avec sa complicité, la foule, composée en majorité d’Européens, prend d’assaut le Gouvernement général, siège de l’autorité de la République. Les émeutiers sont un peu embarrassés de leur succès : ils savent ce qu’ils ne veulent pas, mais ils n’ont rien de très constructif à proposer. En réalité, ils observent ce qui se passe en métropole et espèrent que le mouvement va s’y étendre. Espoir déçu : elle ne bouge pas et Pflimlin est investi. Il faut sortir d’une situation bloquée, il faut trouver une solution. S’ils ont servi de détonateur, les insurgés d’Alger ne jouent à peu près aucun rôle dans le dénouement de la crise.
➜ L’irrésistible marche du général de Gaulle vers le pouvoir
Le général de Gaulle n’ignorait pas que des événements se préparaient à Alger, mais il hésitait sur l’attitude à prendre. Ses amis vont canaliser le mouvement vers lui.
Dès le 13 mai au soir, le général Massu, placé à Alger à la tête d’un Comité de salut public, appelle à la formation d’un gouvernement de salut public présidé par le général de Gaulle. Celui-ci n’apprécie guère la façon dont se présente la situation : peut-il envisager de revenir au pouvoir par la grâce d’une émeute ? Pourtant, il va faire taire ses scrupules, réagir très rapidement et, en trois temps, en dehors de toutes les procédures établies, se retrouver à la présidence du Conseil.
Le 15 mai, dans un communiqué de presse, il se déclare « prêt à assumer les pouvoirs de la République ».
Le 27 mai, après une conférence de presse où il prend ses distances avec les émeutiers et aussi après de nombreux ralliements à sa personne, il déclare « avoir entamé le processus régulier nécessaire à l’établissement d’un gouvernement républicain ».
Le 29 mai– après la démission, la veille, de Pierre Pflimlin – le président de la République, René Coty, dans un message aux Chambres, leur propose d’investir le général de Gaulle comme président du Conseil, faute de quoi il démissionnera. Le général de Gaulle, reçu par Coty, accepte de solliciter l’investiture, qu’il obtient par 329 voix contre 224 (comprenant les communistes, la moitié des socialistes et des personnalités comme François Mitterrand et Pierre Mendès France).
Le général de Gaulle retrouve donc le pouvoir quitté douze ans auparavant. Peut-on dire que c’est à l’issue d’un coup d’État? Ce terme est trop fort : Le général de Gaulle a joué avec habileté de circonstances qu’il n’a pas provoquées, même si ses amis ne sont pas restés inactifs et ont joué un rôle déterminant à partir du début mai. Il est apparu comme le « recours » dans une situation échappant au contrôle des autorités en place. Il a su les persuader qu’aucune solution à la crise n’existait en dehors de lui et c’est avec leur assentiment ou même sur leur initiative (René Coty) – qu’il est appelé à former le gouvernement.
Son retour est moins la sanction de la faillite des institutions que celle des hommes.
Le général de Gaulle est porté au pouvoir pour régler l’affaire algérienne, il lui faut maintenant se donner les moyens de remplir sa mission et même de la poursuivre au-delà… La réforme des institutions est une priorité.
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