Introduction générale
Le mot « société » a deux sens courants :
– d’une part, il désigne le contrat par lequel des personnes conviennent de constituer une société ; c’est l’acte constitutif de celle-ci ;
– d’autre part, il peut désigner la personne juridique, dite personne morale, qui est investie de la capacité juridique d’agir au nom et dans l’intérêt de la collectivité des associés.
La loi donne une définition de la société. Toutefois cette définition ne rend qu’imparfaitement compte de l’exceptionnelle richesse de la notion de société, dont une analyse conceptuelle rend mieux compte.
Définition :
donnée par l’art. 1832 C. civ. (mod. L. 11 juill. 1985) : « La société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d’affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter.
Elle peut être instituée, dans les cas prévus par la loi, par
l’acte de volonté d’une seule personne.
Les associés s’engagent à contribuer aux pertes ».
Cette notion est d’abord économique : ensemble de moyens humains et matériels ayant pour objet une activité économique (production, commercialisation, services, etc.).
B – Appréhension de la notion d’entreprise par le droit
La notion apparaît fortement en droit du travail (institutions représentatives du personnel…), mais également en droit commercial (législation sur le redressement et la liquidation des entreprises ; droit de la concurrence…). Mais il ne s’agit pas, en l’état actuel de notre droit, d’une notion autonome à laquelle se trouverait attaché un régime unitaire et cohérent.
C – Lien entre les notions de société et d’entreprise
La société est l’une des techniques principales d’organisation juridique d’une entreprise, l’une des formes juridiques essentielles de celle-ci. C’est pourquoi certaines législations relatives à l’entreprise ne concernent en fait que des sociétés.
D – Limite aux liens entre les deux notions
Toute entreprise n’est pas constituée nécessairement en société (entreprise individuelle, « entreprise » associative, certaines entreprises publiques…), et toute société n’organise pas nécessairement une véritable entreprise (par ex. lorsque la société est utilisée comme seule technique d’affectation de fonds – par ex. sociétés de placement – ou comme technique d’interposition de personne – société holding, société écran…).
A – Analyse contractualiste
La société est un des contrats spéciaux prévus par la loi, en l’occurrence le Code civil (art. 1832 s.). Jusqu’à la fin du xixe siècle, elle n’était qu’un contrat. Sur le fondement du dogme de l’autonomie de la volonté, on analysait la société à l’aune du droit civil des obligations. Les conditions de formation (consentement, capacité, cause, objet) et les règles de fonctionnement (pouvoir des dirigeants, processus décisionnel) se trouvaient fondées sur le droit des contrats, qu’elles devaient respecter.
B – Dépassement de l’analyse contractualiste
Depuis le début du xxe siècle, l’analyse contractualiste a été dépassée, notamment à partir de l’analyse institutionnelle (v. infra), sans être, pour autant, totalement rejetée.
C – Synthèse des analyses
Il est bien admis aujourd’hui que si une société peut donner naissance à autre chose qu’un contrat (une personne morale notamment, v.
➜), voire reposer sur un acte différent du contrat (l’acte unilatéral dans les sociétés unipersonnelles, telles que l’EURL et la SASU), elle continue de reposer, dans la plupart des cas, sur une convention, c’est-à-dire un accord de volontés en vue de produire des effets de droit. Par ailleurs, un puissant mouvement de « recontractualisation » se développe aujourd’hui, qui s’exprime, soit par la multiplication des conventions destinées à adapter les règles de fonctionnement du groupement ou à aménager la condition d’associé (v.
➜), soit par la volonté de favoriser la liberté contractuelle en droit des sociétés (qui a été celle du législateur avec la société par actions simplifiée – sur laquelle, v.
➜).
A – Limites de l’analyse contractualiste
Au début du xxe siècle, un courant doctrinal a montré les limites de l’analyse contractualiste, incompatible avec de nombreux aspects du fonctionnement des sociétés. De plus en plus, le législateur encadre de façon impérative la vie de celles-ci, faisant ainsi reculer le rôle des volontés individuelles. C’est ainsi, par ex., que la désignation et les pouvoirs des dirigeants sont fortement réglementés (de sorte que les termes, utilisés couramment, de « mandataires sociaux », ne reflètent guère la réalité juridique). De même les statuts peuvent être modifiés à la majorité, alors que pour modifier un contrat, l’unanimité des parties est requise (mais sur ce point la critique n’est pas totalement convaincante, puisqu’un processus particulier de modification du contrat, accepté ab initio par l’ensemble des parties, ne cesse pas d’être conventionnel).
B – Développement de l’analyse institutionnelle
Pour expliquer ces règles étrangères au concept de contrat, fut transposée l’analyse institutionnelle, développée notamment par le publiciste Hauriou. L’institution est un organisme créé et fonctionnant selon une constitution légale, impérative et durable, autonome par rapport à ses fondateurs (quant aux moyens dont il dispose et aux intérêts qu’il promeut), dont les droits et intérêts privés sont subordonnés au but social recherché, et géré par des « fonctionnaires » élus (et non des mandataires des membres).
C – Influence de l’analyse institutionnelle
Cette théorie a incontestablement influencé le législateur (consécration législative par la loi du 11 juill. 1985 modifiant l’art. 1832 C. civ., qui se réfère expressément à l’institution) et une partie de la doctrine commercialiste (admission d’un intérêt social distinct de l’intérêt, même commun, des membres du groupement ; sur l’intérêt social, v.
➜). Mais l’on peut se demander si, actuellement, ces règles incompatibles avec l’analyse contractualiste ne peuvent pas être mieux – et même exclusivement – expliquées par la notion de personnalité morale.
IV –
Société et personne morale
A – Notion de personnalité juridique morale
La personnalité juridique est l’aptitude à être titulaire de droits, assujetti à des obligations et doté des attributs de la personnalité (nom, domicile, état, patrimoine…). La personnalité morale est la personnalité juridique susceptible d’être attribuée à l’entité que constitue un groupement de personnes (société, GIE, syndicat, association) ou un patrimoine d’affectation (fondation, société unipersonnelle).
B – Théories sur la personnalité morale
La personnalité morale est une réalité indépendante de la loi, dès lors que certaines conditions sont réunies (groupement pourvu d’une possibilité d’expression collective pour la défense d’intérêts licites ; théorie qui serait adoptée en droit français à titre de principe général – Civ., 28 janv. 1954 – ce qui mérite d’être nuancé).
La personnalité morale, qui résulte de l’immatriculation de la société au registre du commerce et des sociétés (C. civ., art. 1842 ; C. com., art. L. 210-6), est exclusivement attribuée par la loi. C’est la solution du droit positif français, pour les sociétés tant civiles que commerciales.
C – Situation de la société au regard de la personnalité morale
1. Avant l’immatriculation ou en l’absence d’immatriculation
Avant l’immatriculation (sociétés en formation, v. infra), ou en l’absence d’immatriculation (sociétés en participation et sociétés créées de fait, v. infra), la société est un pur contrat qui n’a en principe d’effets qu’entre les parties. L’analyse contractualiste de la société a ici vocation à s’appliquer.
2. Après l’immatriculation
Le groupement devient opposable aux tiers, et dispose, en tant que personne juridique, d’un intérêt (l’intérêt social, v.
➜) et d’un patrimoine autonome par rapport à ses membres, ce qui correspond davantage à l’analyse institutionnelle. Ce rapprochement est d’autant plus vrai que l’essentiel des règles légales incompatibles avec l’analyse contractualiste (processus décisionnel, pouvoir des dirigeants sociaux…) concerne les sociétés ayant la personnalité morale.
D – Puissance des effets de la personnalité morale
Les effets de la personnalité morale – et not. le degré d’opacité du « voile » qu’elle constitue – sont plus ou moins forts suivant les sociétés (plus forts dans les sociétés de capitaux que dans les sociétés de personnes) et suivant les circonstances (certaines techniques permettent de lever le voile de la personnalité, pour not. poursuivre les membres de celle-ci : par ex. fictivité, confusion des patrimoines, etc.).
V –
Société et autres groupements
A – Société et indivision
1. Distinction traditionnelle
La société est un état voulu, organisé, d’une certaine durée, qui peut être dotée de la personnalité morale ; l’indivision est un état subi, inorganisé et temporaire, sans personnalité morale.
2. Lois des 31 déc. 1976 et 10 juin 1978
Elles permettent de constituer volontairement et d’organiser (avec un gérant par ex.) une indivision, la rapprochant ainsi de la société.
3. Indivisions légalement organisées
Ces indivisions légalement organisées (par ex. les fonds communs de placement) accentuent encore le rapprochement, sans entraîner cependant de confusion (absence de personnalité morale de l’indivision).
B – Société et association
1. Lois applicables différentes
• Pour les associations : art. 1er s. de la loi du 1er juill. 1901.
• Pour les sociétés : not. C. civ., art. 1832 à 1873 et C. com., art. L. 210-1 à L. 248-1.
L’association est la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, de façon permanente, leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices (pour la société, v. C. civ., art. 1832 ; supra).
3. Éléments de distinction
• Groupement ayant un but lucratif consistant à réaliser et partager les bénéfices : obligatoirement société.
• Groupement visant un but totalement désintéressé (association culturelle ou philanthropique…) : obligatoirement association.
• Groupement ayant un but lucratif visant à permettre à ses membres la réalisation d’une économie (service à meilleur prix…) : association ou société.
C – Société et groupement d’intérêt économique
1. Lois applicables différentes
Ordonnance du 23 sept. 1967 codifiée au Code de commerce, art. L. 251-1 à L. 251-23 (sur le GIE, v.
➜).
Le GIE est un groupement constitué entre deux ou plusieurs personnes, physiques ou morales, afin de faciliter ou de développer l’activité économique de ses membres, d’améliorer ou d’accroître les résultats de cette activité. Il n’a pas vocation à réaliser des bénéfices (C. com., art. L. 251-1 ; si des bénéfices sont réalisés, ils sont répartis entre les participants suivant les modalités prévues au contrat).
3. Éléments de distinction
• Rapprochement : la société, comme le GIE, peut être constituée dans le seul but de faire profiter ses membres des économies résultant de son action.
• Différences :
– facultative : absence d’apports et de capital dans le GIE ;
– organique : le GIE ne peut être que le prolongement de l’activité de ses membres.
VI –
Autres éléments de définition de la société
D’autres approches de la société peuvent apporter de précieux renseignements sur ce qu’elle est en droit.
La comptabilité est un instrument indispensable de la vie de l’entreprise qui comporte notamment deux types de documents : bilan (reflétant sa situation patrimoniale) et compte de résultat (décrivant sont activité sur une période). Les règles légales relatives aux sociétés contiennent de nombreuses dispositions qui intègrent la comptabilité dans le fonctionnement de la société, notamment dans un but fiscal et d’information des tiers et des associés.
Les sociétés sont très largement considérées comme des contribuables, c’est-à-dire qu’elles sont obligées au paiement d’impôts, droits ou taxes à raison des bénéfices, du chiffre d’affaires qu’elles réalisent ou des biens qu’elles possèdent ou acquièrent. Elles participent pour une part importante aux ressources fiscales de l’État (v. Mémento Droit fiscal des entreprises commerciales).
Le choix de la forme sociétaire pour l’exercice d’une activité économique
Le recours au mécanisme de la société présente de nombreux intérêts, financiers, juridiques, fiscaux ou sociaux. Pour répondre aux objectifs variés des créateurs d’entreprises et aux contraintes qui peuvent peser sur eux, le législateur offre une très grande diversité de formes sociétaires.
§ 1 –
Les intérêts du recours à la forme sociétaire
Ces intérêts sont multiples et varient suivant les buts poursuivis par les associés
• La société personne morale permet, sur ce plan, d’assurer la répartition des droits des personnes ayant accepté de courir un risque en devenant associées et en apportant des biens ou des fonds, et d’organiser leurs rapports, bien mieux que dans le cadre d’une entreprise individuelle ou d’une indivision.
• La société permet de réunir des capitaux en vue de la création et de l’exploitation d’une activité économique.
• Une entreprise individuelle en plein essor souhaitant obtenir des capitaux pour son développement sans recourir aux emprunts bancaires devra être « mise en société ». Les plus grandes (généralement les SA), peuvent même solliciter l’épargne publique en plaçant, par ex., leurs titres sur les marchés boursiers réglementés.
• Grâce à la technique de la société, et notamment de la SA, qualifiée de « merveilleux instrument du capitalisme moderne » (G. Ripert, 1946), ont pu être créées et développées des entreprises de taille considérable, réunissant un volume de capitaux et un nombre d’associés ou d’actionnaires importants.
Ils sont innombrables. On citera, sans exhaustivité :
• Permettre à l’entrepreneur d’éviter d’engager dans son affaire – toujours aléatoire – la totalité de ses biens personnels en constituant l’une des sociétés à responsabilité limitée prévues par la loi (SARL, EURL, SA, SAS, SASU). Cette séparation des patrimoines est cependant souvent rendue illusoire par la nécessité, pour l’associé principal, de garantir personnellement les dettes contractées par la société, notamment à l’égard des banques (v.
➜).
NB :
La loi du 15 juin 2010, entrée en vigueur le 1
er janv. 2011, a instauré l’entreprise individuelle à responsabilité limitée (
EIRL). Le texte permet aux artisans, commerçants et professionnels libéraux, par simple déclaration au greffe (et acte notarié pour les immeubles), de distinguer leur patrimoine professionnel et leur patrimoine personnel et de protéger ce dernier en cas de faillite, sans création d’une personne morale (mécanisme du patrimoine d’affectation). Le régime fiscal de l’EIRL sera celui de l’EURL (IR sauf option pour l’IS).
• Permettre à l’entreprise de se développer par croissance externe (ou concentration) en faisant l’acquisition d’autres sociétés, qui deviennent des filiales dans le cadre d’un groupe, ou en fusionnant avec d’autres sociétés.
• Permettre d’assurer la pérennité de l’exploitation, même en cas de décès de l’entrepreneur (principalement vrai pour les sociétés de capitaux qui se poursuivent avec les héritiers).
• Faciliter la transmission de l’entreprise en cas de décès ou de départ du maître de l’affaire. Elle s’opérera par le biais de la cession des droits sociaux (à titre gratuit ou onéreux), à des conditions fiscales souvent avantageuses. Elle permet notamment la répartition des titres entre plusieurs héritiers, en évitant le recours à une indivision, à un démembrement de la propriété des actifs de l’exploitation, voire à une réalisation de ceux-ci avec disparition de l’entreprise.
• La transformation de l’entreprise individuelle en société est souvent motivée par des raisons fiscales ; ces intérêts fiscaux expliquent notamment certaines mises en société inutiles, sur le plan économique, compte tenu de la faible dimension de l’entreprise.
• Le choix entre d’un type de société peut être influencé par la politique fiscale de l’État en faveur de telle ou telle forme sociétaire. Sur ces points, v. Mémento Droit fiscal des entreprises commerciales.
• Longtemps, le chef d’entreprise individuelle a bénéficié d’une couverture sociale moins avantageuse que celle des salariés L’on comprend dès lors la volonté qu’ont eu certains entrepreneurs de mettre leur entreprise en société (notamment en SA) afin de pouvoir bénéficier alors (sous certaines conditions), en leur qualité de dirigeant de la société, du régime social des salariés (mais pas du droit du travail, sauf à disposer en sus du mandat social d’un contrat de travail).
• Aujourd’hui, les entrepreneurs individuels sont mieux couverts socialement, alors que la protection des salariés n’est plus aussi avantageuse. La question sociale devrait donc moins peser sur le choix de la mise en société. Sur le statut social des dirigeants, v.
➜.
§ 2 –
Les différents types de sociétés
A – Sociétés avec ou sans personnalité morale
N’ont pas la personnalité morale les sociétés en participation et les sociétés créées de fait (v.
➜). Les autres groupements jouissent de la personnalité morale à compter de leur immatriculation (déclaration en préfecture pour les associations, reconnaissance d’intérêt public pour les fondations) (C. civ., art. 1842 ; C. com., art. L. 210-6).
B – Sociétés civiles ou
sociétés commerciales
1. Sociétés civiles (v.
➜)
• Régies par les art. 1845 s. C. civ.
• Ont le caractère civil toutes les sociétés auxquelles la loi n’attribue pas un autre caractère à raison de leur forme (l’adoption de la forme de SNC, de SCS, de SARL ou de société par actions rend la société automatiquement commerciale) ou de leur objet (elles ne peuvent en principe effectuer que des opérations de caractère civil : activités agricoles, libérales, immobilières, d’enseignement…).
• Leurs associés sont personnellement et indéfiniment responsables des dettes sociales, à proportion de leurs apports (C. civ., art. 1857).
• Prolifération des sociétés civiles à statut spécial (sociétés civiles : de copropriété, de moyens, professionnelles, de placement immobilier, de construction-vente…).
Régies par le livre II C. com. (art. L. 210-1 à L. 252-13), les sociétés commerciales ayant la personnalité morale sont :
Type de société |
Textes associés |
SNC : les associés ont tous la qualité de commerçant et répondent indéfiniment et solidairement des dettes sociales |
C. com., art. L. 221 s. |
SCS : comprend un ou plusieurs associés commandités ayant le statut des associés en nom collectif et un ou plusieurs associés commanditaires, non commerçants et répondant des dettes sociales à concurrence de leurs apports |
C. com., art. L. 222-1 s. |
SARL : créée par plusieurs associés (un seul dans l’EURL) qui n’ont pas la qualité de commerçant et qui ne supportent les pertes qu’à concurrence de leurs apports ; capital divisé en parts sociales |
C. com., art. L. 223-1 s. |
SA : constituée entre plusieurs actionnaires, non commerçants, qui ne supportent les pertes qu’à concurrence de leurs apports ; capital divisé en actions |
C. com., art. L. 225-1 s. |
SCA : constituée entre un ou plusieurs commandités, ayant le statut des associés en nom collectif, et des commanditaires, ayant le statut des actionnaires de SA ; capital divisé en actions |
C. com., art. L. 226-1 s. |
SAS : créée par plusieurs associés personnes physiques ou morales (un seul dans la SASU) qui n’ont pas la qualité de commerçant et ne supportent les pertes qu’à concurrence de leurs apports ; capital divisé en actions ; se caractérise par sa très grande souplesse et la liberté contractuelle qui y est permise. |
C. com., art. L. 227-1 s. |
3. Réflexions sur la distinction des sociétés civiles et commerciales
Si cette distinction a longtemps constitué la summa divisio, la réglementation des sociétés civiles les a beaucoup rapprochées des sociétés commerciales. Possibilité de procédure collective (C. com., art. L. 620-2) ; nombreuses dispositions similaires (personnalité morale à compter de l’immatriculation, formalités de publicité, sort des actes accomplis pendant la période constitutive, situation des associés, causes de nullité et de dissolution, pouvoir du gérant…). Les principales différences sont la compétence judiciaire (T. com. pour les sociétés commerciales ; TGI pour les sociétés civiles) et les obligations comptables.
C – Sociétés de capitaux et sociétés de personnes
Il existe plusieurs critères de distinctions, parfois combinés. L’opposition entre sociétés de personnes et sociétés de capitaux présente des conséquences fiscales importantes.
1. Identification des critères de distinction
a. La responsabilité des associés
Dans les sociétés de personnes, chaque associé est personnellement obligé aux dettes sociales (avec solidarité si la société est commerciale, sans solidarité si la société est civile) ; dans les sociétés de capitaux les engagements des associés sont limités au montant de leurs apports. La distinction des sociétés de capitaux et des sociétés de personnes recoupe donc celle entre les sociétés à risque illimité (sociétés civiles, SNC, GIE ou GEIE, sociétés en participation, commandités des SCS ou SCA) et les sociétés à risque limité (SA, SARL et EURL, SAS et SASU, commanditaires des SCS ou SCA) sans se confondre avec elle, la distinction entre sociétés de capitaux et sociétés de personnes étant plus étendue.
Conséquence, notamment, du point précédent, dans les sociétés de personnes, le contrat est formé intuitu personae. La personne des associés, entre lesquels existent des liens étroits, est fondamentale. La transmission des droits sociaux, entre vifs et même à cause de mort, fait, pour cette raison, l’objet de restrictions importantes. Les sociétés de capitaux reposent essentiellement sur les apports réalisés par les associés, en théorie sans considération de la personne. Pour cette raison, les droits sociaux se transmettent en principe librement entre vifs et à cause de mort.
c. Le régime de cession des droits sociaux
Dans les sociétés de personnes, les droits sociaux sont cédés par la voie civile (signification de l’art. 1690 C. civ. ou dépôt d’un original de l’acte de cession au siège social ; publicité au RCS). Dans les sociétés de capitaux, les droits sociaux sont cédés par la voie commerciale (négociabilité), sans signification à la société ni publicité.
2. Combinaison des critères
Type de société |
Responsabilité |
Intuitus personae |
Cession des droits sociaux |
SNC |
indéfinie |
oui |
cessibilité |
SA |
limitée |
non |
négociation |
SARL, SAS et SCS (commanditaires) |
limitée aux apports |
oui |
|
SARL |
limitée aux apports |
|
cessibilité |
Remarque :
les sociétés en commandite et les SARL sont donc des sociétés de personnes ou de capitaux selon le point de vue. La SAS est bien une société de capitaux, mais la liberté contractuelle dont jouissent ses associés permet, par différents aménagements statutaires, d’y faire régner un très fort
intuitus personae, la rapprochant sur ce plan des sociétés de personnes.
3. Aspects fiscaux de la distinction
•
Les sociétés de capitaux (SA, SCA, SAS) : sont fiscalement « opaques » : elles sont soumises à l’impôt sur les sociétés ; les éventuelles pertes d’exploitation ne sont pas imputables sur le revenu de l’associé ou de l’actionnaire.
•
Les sociétés de personnes (sociétés civiles, SNC, égal. les sociétés sans personnalités morales et les GIE et GEIE) : sont fiscalement « transparentes » : elles relèvent de l’impôt sur le revenu, dont leurs associés sont personnellement redevables (les pertes d’exploitation sont alors en principe déductibles du revenu global des associés), à moins qu’elles n’optent pour l’impôt sur les sociétés.
• Les SARL : sont fiscalement assimilées aux sociétés de capitaux. Cependant, les SARL « de famille », constituées exclusivement entre conjoints, frères ou sœurs, ascendants ou descendants, peuvent opter pour l’impôt sur le revenu.
• L’EURL ayant pour associé unique une personne physique : est soumise à l’impôt sur le revenu, sauf option pour l’impôt sur les sociétés.
D – Sociétés offrant ou non leurs titres financiers au public /
sociétés cotées ou non cotées
1. Les sociétés offrant leurs titres financiers au public
• L’ordonnance du 22 janv. 2009 remplace la notion d’appel public à l’épargne par celle d’offre au public de titres financiers (v.
➜).
• Sauf dérogations, constitue une offre au public de titres financiers l’une des opérations suivantes (C. mon. fin., art. L. 411-1) :
– une communication adressée sous quelque forme et par quelque moyen que ce soit à des personnes et présentant une information suffisante pour un investisseur potentiel sur les conditions de l’offre et sur les titres à offrir ;
– un placement de titres financiers par des intermédiaires financiers.
• Seules les SA, les SCA et quelques sociétés très particulières (SCPI par ex.) sont autorisées à offrir leurs titres financiers au public.
• Les conditions nécessaires pour offrir ses titres financiers au public sont rigoureuses, en termes de capital minimum (250 000 €) et de formalités de constitution.
• La spécificité de ces sociétés se prolonge sur le terrain de leur organisation et de leur fonctionnement, étroitement réglementés et souvent pénalement sanctionnés. Elles sont notamment soumises, dans le but de protéger les épargnants et le marché, à des mesures de publicité très complètes et à un contrôle très étroit de l’Autorité des marchés financiers (AMF), anciennement Commission des opérations de bourse (COB), avant la loi du 1er août 2003 de sécurité financière.
2. Les sociétés cotées sur un marché réglementé
• Au sein des sociétés offrant leurs titres financiers au public, il est fondamental de distinguer les sociétés cotées sur un marché réglementé (v. 374 s.) de celles qui ne le sont pas. L’admission aux négociations sur un marché réglementé entraîne en effet l’application de dispositions spéciales, qui se veulent encore plus protectrices des actionnaires et des épargnants.
• La distinction entre sociétés cotées et non cotées est incontestablement vouée à prendre de plus en plus d’importance dans notre droit des sociétés, jusqu’à devenir un jour peut-être la summa divisio de celui-ci. L’idée se fait jour depuis quelques années que les actionnaires ne sont pas tous des associés, certains n’étant que des bailleurs de fonds ou des épargnants, davantage intéressés par le rendement d’un produit financier que par le fonctionnement de la société, tout particulièrement lorsque la société est cotée.
A – Sociétés particulières en raison de leur statut juridique
1. Les sociétés coopératives
Les associés sont soit des travailleurs au service de la société (par ex. les SCOP, sociétés coopératives ouvrières de production), soit des fournisseurs (coopérative de vente), soit des clients (coopérative de consommation). Leur capital est variable. Chaque coopérateur n’a qu’une voix, quelle que soit la part de capital qu’il détient.
2. Les sociétés à participation ouvrière
Forme de SA dans laquelle les salariés ont le droit de participer de manière étendue aux bénéfices et à la gestion. Cette forme n’a pas rencontré de succès.
3. Les sociétés à capital variable (C. com., art. L. 231-1 à L. 231-8)
Leur capital varie constamment, à la hausse (lors de l’entrée de nouveaux associés dans la société) ou à la baisse (reprise des apports consécutifs au retrait de certains associés). Les clauses de variabilité sont interdites dans les SA de droit commun autres que les coopératives et les sociétés d’investissement à capital variable (Sicav).
4. Les sociétés d’économie mixte
Associent une collectivité publique (État, collectivité locale) à des capitaux privés pour le développement de certains projets d’intérêt général (routes, bâtiments, exploitation de services publics…).
5. Les sociétés nationalisées
et/ou privatisées
Leur situation se trouve étroitement réglementée.
• La nationalisation est le transfert à la nation, en toute propriété, d’une exploitation privée pour des motifs d’intérêt général. Elle repose sur un mécanisme d’expropriation des associés moyennant une indemnisation. La France a connu deux vagues de nationalisation, en 1945 (renforcement de l’économie nationale) puis en 1982 (politique socialiste), qui ont concerné divers secteurs économiques (banques, énergie, assurances, industrie…).
• La privatisation est la cession à des personnes privées des actions d’une société d’État. L’opération peut s’opérer sur le marché financier (cas le plus fréquent ; les privatisations ont ainsi permis de développer en France l’actionnariat populaire et celui de salariés), ou bien hors marché (de gré à gré). L’État peut garder la majorité (privatisation partielle) ou céder la totalité du contrôle, en conservant ou non une minorité. L’État se réserve souvent une action privilégiée (golden share) lui permettant notamment d’agréer ou de refuser l’entrée de nouveaux actionnaires dans la société, pour des raisons dites d’intérêt national. La CJCE a condamné ces actions spécifiques, lorsqu’elles relèvent du pouvoir discrétionnaire de l’État (CJCE, 4 juin 2002, Commission c/Rép. Française, Rev. sociétés 2002, p. 519, G. Parléani).
B – Sociétés particulières en raison de leur objet
Ces sociétés sont soumises sur tel ou tel point à une réglementation spéciale et ont des obligations spécifiques. On ne citera que certains des secteurs économiques dans lesquels on les rencontre, dans la mesure où, ponctuellement mais fréquemment, l’État crée des sociétés spéciales, apporte des dérogations pour tel secteur aux règles générales ou octroie des faveurs fiscales (par ex. L. 11 juill. 1985 sur les sociétés de financement de l’industrie cinématographique et audiovisuelle, SOFICA).
Par ex. : sociétés civiles de construction-vente (CCH, art. L. 211-1 à L. 211-4) ; sociétés civiles d’attribution (CCH, art. L. 212-1 à L. 212-13) ; société d’attribution d’immeubles en jouissance à temps partagé (L. 6 janv. 1986) ; sociétés civiles de placement immobilier (SCPI, C. mon. fin., art. L. 214-50 s.).
Par ex. : coopératives agricoles ; groupes agricoles d’exploitation en commun (GAEC) ; groupements fonciers agricoles (GFA) ; entreprise unipersonnelle agricole à responsabilité limitée (EARL).
Par ex. : sociétés civiles professionnelles (L. 29 nov. 1969) ; sociétés civiles de moyens (SCM, organisation de services communs aux membres) ; sociétés d’exercice libéral (SEL, L. 31 déc. 1990), qui sont des sociétés professionnelles à forme commerciale (par ex. sous forme de SARL : SELARL ; sous forme de SA : SELAFA ; sous forme de SAS : SELAS…).
Par ex. : Sicav ; sociétés de développement régional ; sociétés d’assurance mutuelle…
Vues générales sur le droit des sociétés
La société est un mécanisme juridique très ancien, ancré dans une histoire qu’il convient de retracer brièvement.
Pour autant, le Code civil de 1804 et le Code de commerce de 1807 étaient très succincts et lacunaires dans leur réglementation des sociétés.
Par la suite, le législateur français n’a jamais cessé de compléter ou réformer cette réglementation, qui est aujourd’hui d’une densité et d’une complexité importantes.
De surcroît, le droit communautaire des sociétés modifie directement ou influence indirectement, de plus en plus le droit français des sociétés.
Il convient donc de faire le point sur l’état actuel du droit positif français, au regard de ses sources.
§ 1 –
Éléments d’histoire du droit des sociétés
• À Babylone et en Grèce : associations ayant les caractères essentiels des sociétés (apports et partage des risques).
• À Rome : groupements (« consortium ») s’apparentant à des indivisions successorales et groupements destinés à la réalisation d’affaires financières ou commerciales proches de nos sociétés.
À la fin du xve siècle, sont connues toutes les formes de sociétés utilisées par le droit français jusqu’en 1925 :
– société en nom collectif : issue de la « compania », société à responsabilité solidaire et illimitée se consacrant à des activités économiques très diverses : industrie, commerce, banque… ;
– société en commandite : issue de la « commenda » ou de la « société de mer », utilisée essentiellement dans le commerce maritime, afin de partager les risques entre les marchands exportant ou important des marchandises ;
– sociétés de capitaux : apparaissent notamment sous la forme de sociétés de « quirataires » : division en parts (quirats) d’un navire ; permettent de partager les risques de l’exploitation d’un navire entre plusieurs armateurs. Étendues à l’industrie extractive.
• 1673 : un effort de classification et donc de conceptualisation est opéré par l’effet de l’ordonnance de Louis XV sur le commerce de terre. Cette ordonnance distingue et réglemente trois types de sociétés (les sociétés générales, les commandites simples et les sociétés anonymes, qui correspondent en réalité aux sociétés en participation actuelles).
• Les compagnies coloniales apparaissent parallèlement : compagnie par actions bénéficiant de chartes ou privilèges concédés par le pouvoir royal (compagnie des Indes occidentales ou orientales).
• Des manufactures royales se constituent : par ex. Saint-Gobain, qui existe toujours. Il s’agit de sociétés par actions qui s’apparentent aux SA ou aux SCA actuelles.
IV –
Révolution française et Empire
• Le Code civil (1804) : pose les principes généraux communs aux sociétés civiles et commerciales (art. 1832 à 1873 anc.).
• Le Code de commerce (1807) : contient une première réglementation des sociétés commerciales actuelles (sociétés en commandite, SNC, sociétés en participation).
A – Développement des sociétés commerciales au cours du xixe siècle
• Loi du 24 juill. 1867 : cadre législatif plus moderne pour les sociétés commerciales.
• Place croissante pour les sociétés anonymes : surtout à partir de 1867 (suppression de l’autorisation gouvernementale de constitution) ; jusqu’alors, la préférence était donnée aux commandites par actions.
• 1870 à 1890 : création de l’économie industrielle moderne, dont la société anonyme constitue l’instrument juridique idéal du développement.
B – Période de l’entre-deux-guerres
• Intervention croissante de l’État : surtout dans la réglementation des sociétés anonymes, principalement dans un but de protection de l’épargne publique ; ce mouvement fait suite à plusieurs scandales financiers retentissants.
• La loi du 7 mars 1925 : crée une société d’inspiration allemande, la SARL, forme intermédiaire entre les sociétés de personnes et de capitaux.
C – Depuis la Seconde Guerre mondiale
1. Loi du 24 juill. 1966 (et décret d’application du 23 mars 1967)
Réglementation de base des sociétés commerciales. Cette loi poursuit 5 objectifs essentiels :
– protection de l’épargne (information des actionnaires) ;
– sécurité des tiers (réduction des causes de nullité, inopposabilité aux tiers des clauses de limitation des pouvoirs) ;
– répression pénale accrue ;
– création d’instruments juridiques et financiers nouveaux (obligations convertibles) ou d’organes nouveaux (conseil de surveillance et directoire) ;
– prise en compte des dispositions du droit communautaire, et notamment de la 1re directive en matière de sociétés (v. infra).
2. Loi du 4 janv. 1978 (et décret d’application du 3 juill. 1978)
Ces textes aboutissent à un certain alignement des sociétés civiles sur les sociétés commerciales :
– règles de publicité ;
– personnalité morale liée à l’enregistrement au RCS ;
– protection des tiers (réduction des causes de nullité, assimilation de la nullité à une dissolution, sans rétroactivité) ;
– protection des associés : responsabilité proportionnelle aux droits sociaux.
3. Très nombreux textes postérieurs
Parmi lesquels les principaux sont (sans exhaustivité) :
– L’ordonnance du 23 sept. 1967 instaurant le GIE.
– L’ordonnance du 28 sept. 1967 instituant la COB.
– Loi du 30 déc. 1981 et décret du 2 mai 1983 organisant la dématérialisation des valeurs mobilières.
– Loi du 11 juill. 1985 sur l’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL).
– Loi du 2 août 1989 visant à améliorer la sécurité et la transparence du marché financier. Réglementation accrue notamment en matière de prises de participation et d’OPA.
– Loi du 3 janv. 1994 créant la société par actions simplifiée (SAS).
– Loi du 2 juill. 1996 de modernisation des activités financières (intégrée dans le Code monétaire et financier).
– Loi du 12 juill. 1999 sur l’innovation et la recherche, qui élargit les possibilités d’utilisation des SAS, en créant la SAS unipersonnelle (SASU).
– Loi du 15 mai 2001 sur les Nouvelles régulations économiques (dit NRE), qui tend essentiellement à assurer une plus grande transparence et une meilleure répartition des pouvoirs au sein des SA avec conseil d’administration.
– Loi du 1er août 2003 sur la sécurité financière, qui fusionne la Commission des opérations de bourse (COB) avec le Conseil des marchés financiers (CMF), en créant l’Autorité des marchés financiers (AMF) ; améliore encore la transparence et modernise le contrôle légal des comptes.
– Loi du 1er août 2003 sur l’Initiative économique, qui contient diverses dispositions d’ordre juridique, financier, social et fiscal, destinées à favoriser la création d’entreprise et à faciliter sa transmission.
– Ordonnance du 24 juin 2004 portant réforme du régime des valeurs mobilières, qui modifie le régime des augmentations de capital, et crée la catégorie des actions de préférence (et son décret d’application du 10 févr. 2005).
– Loi « Breton » du 26 juill. 2005 en faveur de la confiance et de la modernisation de l’économie, qui adopte diverses mesures intéressant le droit des sociétés directement (information des actionnaires, rachat d’actions, conventions réglementées…), ou indirectement (dispositions de droit boursier et de droit du travail).
– Décret du 25 mars 2007 relatif à la partie réglementaire du Code de commerce, qui procède à la codification de l’ancien décret du 23 mars 1967.
– Loi du 3 juill. 2008 portant diverses adaptations du droit des sociétés au droit communautaire, qui transpose notamment en droit français la Directive 2005/56/CE du 26 oct. 2005 sur les fusions transfrontalières des sociétés de capitaux. Elle apporte également quelques aménagements aux règles applicables aux fusions de droit interne (not. en matière d’intervention des commissaires à la fusion et aux apports).
– Loi de modernisation de l’économie (LME) du 4 août 2008, qui tend à favoriser et simplifier les PME, en particulier lorsqu’elles exercent leur activité sous forme de SARL ou de SAS. Dans les SAS : possibilité de réaliser des apports en industrie et suppression du capital minimum et, dans certains cas, suppression de l’obligation de désigner des commissaires aux comptes. Le décret du 25 févr. 2009 fixe les dispositions d’application de la loi LME.
– Ordonnance du 8 janv. 2009, relative aux instruments financiers, qui vise à les rendre plus lisibles en les regroupant en totalité dans le Code monétaire et financier, en en remaniant la liste et en précisant les conditions de preuve de leur titularité.
– Ordonnance du 22 janv. 2009, portant réforme de l’appel public à l’épargne. Elle tend à faciliter le financement des entreprises sur les marchés, notamment en rapprochant le droit français applicable en matière d’offre au public de titres financiers des standards européens connus des investisseurs internationaux. L’ordonnance substitue ainsi à la notion française d’appel public à l’épargne les notions européennes d’offre au public de titres financiers, d’une part, et d’admission aux négociations sur un marché réglementé, d’autre part.
– Ordonnance du 30 janv. 2009, réformant la réglementation relative aux rachats d’actions par les sociétés cotées et aux franchissements de seuils.
– Lois « Warsmann » du 17 mai 2011 et du 22 mars 2012, dont l’ambition a été de simplifier et d’améliorer le droit. Elles apportent de nombreuses modifications au droit des sociétés (conventions réglementées, augmentations de capital, fusion, scissions et apports partiels d’actifs…).
§ 2 –
Réglementation contemporaine et perspectives d’évolution du droit des sociétés
La réglementation contemporaine du droit des sociétés paraît s’orienter vers plusieurs directions majeures, d’ailleurs pas toujours parfaitement compatibles, et parmi lesquelles on retiendra notamment :
I –
Première orientation : simplification des règles juridiques – Codification
Cet objectif se traduit, notamment, par le souci du législateur de :
– simplifier les règles de droit et améliorer les démarches administratives, les formalités et les règles qui encadrent la création et le fonctionnement des entreprises (V. par ex. les lois de simplification du droit, et not. Lois « Warsmann » du 17 mai 2011 et du 22 mars 2012, qui apportent de nombreuses modifications au droit des sociétés) ;
– codifier le droit français du commerce et des sociétés.
• Une loi du 16 déc. 1999 a habilité le gouvernement à procéder, par ordonnance, à l’adoption de la partie législative de certains codes.
• Une ordonnance du 18 sept. 2000 a été adoptée et a permis l’entrée en vigueur de la partie législative du nouveau Code de commerce.
• La codification a été opérée « à droit constant », c’est-à-dire que les dispositions en vigueur ont été codifiées sans y apporter d’autres modifications que celles imposées par « le respect de la hiérarchie des normes », « la cohérence rédactionnelle des textes » ou « l’harmonisation de l’état du droit ».
• Si de nombreux textes du droit des sociétés figurent désormais dans ce Code (et principalement la loi du 24 juill. 1966 et, depuis sa codification par le décret du 25 mars 2007, l’ancien décret du 23 mars 1967), il ne s’agit pas d’une codification du droit des sociétés, mais d’une codification des règles du commerce, ce qui est beaucoup plus large.
• Par ailleurs, de nombreuses dispositions intéressant les sociétés sont restées hors du Code de commerce : les règles relatives aux valeurs mobilières et, plus généralement, aux instruments financiers ainsi qu’aux marchés financiers, figurent dans le Code monétaire et financier, instauré le 14 déc. 2000 ; les art. 1832 s. C. civ. restent dans ce Code, bien qu’ils posent les règles générales applicables aux sociétés.
• Il n’existe donc pas légalement de Code des sociétés. En revanche, de nombreux éditeurs juridiques proposent de tels codes, extrêmement pratiques en ce qu’ils s’efforcent de réunir l’ensemble des dispositions applicables, plus ou moins directement, aux sociétés, ainsi que la jurisprudence (v. par ex. Code des sociétés et des marchés financiers, Dalloz).
II –
Deuxième orientation : alléger la réglementation et accorder davantage de liberté contractuelle
Cette volonté a trouvé sa manifestation exemplaire dans la création, par la loi du 3 janv. 1994, des sociétés par actions simplifiée (SAS) et leur banalisation par la loi du 12 juill. 1999 (permettant notamment la SASU). La place de la liberté dans ces sociétés est considérable (v.
➜).
Les efforts actuels du législateur, tendant à une certaine dépénalisation du droit des sociétés et à un renouvellement des sanctions de la violation des règles d’ordre public, participent de ce mouvement. Dans le prolongement de la loi NRE du 15 mai 2001, les lois « sécurité financière » et « initiative économique » du 1er août 2003, ainsi que les ordonnances des 25 mars et 24 juin 2004 et La loi « Warsmann II » du 22 mars 2012, ont supprimé plusieurs délits de droit des sociétés. Les associés ou les tiers trouveront, à la place, une protection soit dans une injonction judiciaire, soit dans une nullité de la décision collective.
C – Au-delà, orientation plus incertaine
Si l’on peut croire que la jurisprudence n’est pas défavorable, par principe, aux aménagements conventionnels du fonctionnement des sociétés et plus généralement aux montages sociétaires (v.
➜), il est difficile de dire si le législateur entend poursuivre cet objectif en assouplissant, par ex., les règles de fonctionnement des SA et des SARL. La tentation réglementaire reste forte chez les législateurs.
III –
Troisième orientation : transparence accrue et meilleure gouvernance
A – Loi dite NRE du 15 mai 2001
La loi sur les nouvelles régulations économiques du 15 mai 2001 traduit de manière exemplaire cet objectif.
S’inscrivant dans le contexte de la mondialisation de l’économie, cette loi vise à mettre notre législation des sociétés et des marchés financiers au niveau des exigences posées par les investisseurs internationaux, notamment anglo-saxons (les fameux principes de « corporate governance » ou « gouvernement des entreprises »).
Certaines dispositions du droit des sociétés ont ainsi été modifiées afin notamment d’accroître la transparence dans le fonctionnement des sociétés anonymes (par ex. information des actionnaires sur les rémunérations des dirigeants), de prévenir les conflits d’intérêts (extension du champ des conventions réglementées), de mieux équilibrer les pouvoirs des dirigeants (distinction des fonctions de président de celles de directeur général) et de renforcer les pouvoirs de contrôle des actionnaires minoritaires.
B – Loi du 29 oct. 2002 (dite « loi Houillon »)
Poursuivant dans la ligne de la loi NRE, cette loi renforce la réglementation du cumul des mandats sociaux des dirigeants (avec le but d’éviter non seulement que les dirigeants exercent mal des fonctions trop nombreuses, mais également des conflits d’intérêts).
C – Loi du 1er août 2003 relative à la sécurité financière
Elle accroît de manière importante l’information et les contrôles (notamment par les commissaires aux comptes), au sein des sociétés anonymes, dans le but d’augmenter l’efficacité de la surveillance de la gestion dans le souci d’un meilleur fonctionnement interne mais également de la restauration de la sécurité et de la confiance sur les marchés financiers.
IV –
Quatrième orientation : poursuite de l’amélioration de la protection des épargnants et du fonctionnement des marchés financiers
A – Contexte national et mondial
Certaines affaires, très médiatisées (par ex. Enron, Worldcom aux États-Unis ; Vivendi en France…), ont montré qu’en dépit de réglementations développées, des carences existaient relativement à la délivrance par les sociétés – essentiellement les sociétés cotées – d’une information financière transparente et sécurisée.
B – Objectif du législateur
• Renforcer les autorités de surveillance des marchés financiers.
• Distinguer plus nettement les missions d’audit et celles de conseil, assumées par les professionnels des comptes.
• Renforcer encore davantage les contre-pouvoirs dans les sociétés, et notamment les prérogatives des assemblées générales des actionnaires.
C – Intervention de la loi du 1er août 2003 relative à la sécurité financière
• Elle modernise les autorités de régulation et de contrôle du secteur financier en organisant la fusion de la COB et du CMF au sein d’un nouvel organisme : l’AMF.
• Elle accroît la sécurité des épargnants, en réformant le régime juridique du démarchage financier.
• Elle modernise le contrôle légal des comptes, en modifiant l’organisation collective et les conditions d’exercice de la profession de commissaire aux comptes dans le but de renforcer son indépendance.
§ 3 –
Réglementation communautaire des sociétés
Il faut également compter avec les orientations que le législateur communautaire entend donner aux droits internes des sociétés des États membres. Cette influence, incontestable, s’est déjà très fortement manifestée par l’adoption de nombreuses directives européennes intéressant le droit des sociétés.
I –
Directives adoptées et, pour l’essentiel, transposées en droit français
• 1re directive du 9 mars 1968 sur la publicité, la validité des engagements sociaux, les cas de nullité.
• 2e directive du 13 déc. 1976, sur la constitution des SA, le maintien de l’intégrité de leur capital et ses modifications.
• 3e directive du 9 oct. 1978 sur la protection des actionnaires et des tiers à l’occasion des fusions de SA.
• 4e directive du 25 juill. 1978, sur la structure et le contenu des comptes annuels.
• 6e directive du 17 déc. 1982 sur les scissions de SA.
• 7e directive du 13 juin 1983 sur les conditions dans lesquelles les sociétés doivent établir des comptes consolidés.
• 8e directive du 10 avr. 1984, sur les conditions que doivent remplir les personnes exerçant les fonctions de commissaires aux comptes.
• 12e directive du 21 déc. 1989 sur les EURL.
• 13e directive du 21 avr. 2004 relative aux offres publiques d’acquisition ou d’échange.
• 10e directive du 26 oct. 2005 sur les fusions transfrontalières des sociétés de capitaux.
Une douzaine de directives ont également été adoptées en matière de droits financier et boursier.
• Directive du 11 juill. 2007 concernant l’exercice de certains droits des actionnaires de sociétés cotées.
II –
Directives en projet, mais non encore adoptées
• 5e directive sur la structure des SA, les pouvoirs et obligations des organes.
• 9e directive sur les groupes de sociétés.
• 14e directive relative au transfert de siège des sociétés de capitaux d’un État membre à un autre.
III –
Précisions sur la force normative des directives communautaires
Les directives s’imposent aux États membres qui doivent prendre les dispositions législatives, réglementaires ou administratives nécessaires à la réalisation des objectifs qu’elles définissent. À la différence du règlement, la directive n’a pas d’effet direct stricto sensu dans l’ordre juridique interne. Cependant, dans le cas où un État membre aurait omis de prendre les mesures d’exécution requises ou aurait adopté des mesures non conformes aux buts fixés par la directive, un ressortissant de cet État pourrait se prévaloir de celle-ci pour demander en justice que soit écartée une disposition nationale incompatible avec elle. Par ailleurs, la CJCE a dit pour droit que les juridictions internes avaient l’obligation d’interpréter leur droit à la lumière des principes de la directive (not. CJCE, 13 nov. 1990, Marleasing).
IV –
Cas particulier de la société européenne
Après plusieurs décennies de débats, la société européenne (SE) a enfin vu le jour durant l’année 2001 (Règl. CE 2157/2001 du 8 oct. 2001 relatif au statut de la SE et directive CE 2001/86 du 8 oct. 2001 relative à l’implication des travailleurs dans les organes sociaux de la SE). Ces textes prévoient des règles précises de constitution et de fonctionnement de cette société. Les dispositions nécessaires à l’application de cette réforme ont été introduites en droit français par la loi « Breton » du 26 juill. 2005 (C. com., art. L. 229-1 à L. 229-15) et par les décrets du 14 avr. 2006 (C. com., art. R. 229-1 à R. 229-26) pour la partie relative au droit des sociétés et du 9 nov. 2006 pour la partie relative à l’implication des salariés dans la SE (sur la SE, v.
➜). Comparer : création de la société coopérative européenne par règlement CE du 22 juill. 2003.
V –
Projet de société privée européenne (SPE)
• Cette société n’existe pas encore en droit positif mais fait l’objet d’un projet sérieux de règlement du Conseil présenté par la Commission européenne en 2008 et approuvé par le Parlement européen le 10 mars 2009.
• Ce projet vise à renforcer la compétitivité des petites et moyennes entreprises (PME) en facilitant leur établissement et leur fonctionnement dans le marché unique.
• La SPE sera une société de capitaux par actions à responsabilité limitée, dotée de la personnalité juridique. Ses actions ne pourront être offertes au public ni admises à la négociation sur un marché réglementé. Elle pourra avoir plusieurs fondateurs, personnes physiques et/ou sociétés, et être créée soit ex nihilo, soit par transformation ou scission d’une société existante ou par fusion de sociétés existantes.
• Elle sera régie par les dispositions impératives du nouveau règlement, par ses statuts (notamment pour son organisation interne) et par le droit national des sociétés dans les cas indiqués par le règlement. La loi applicable sera celle du siège statutaire de la SPE. La SPE pourra transférer son siège statutaire dans un autre État membre en conservant sa personnalité juridique et sans être dissoute.
• Les actionnaires disposeront d’une grande liberté en ce qui concerne les mutations des actions et l’organisation interne de la SPE (d’une manière comparable à la SAS, sur laquelle v.
➜). Cependant, des droits particuliers devraient être reconnus aux actionnaires minoritaires.
• Le projet de règlement fixe le capital minimum requis à 1 €, à condition que la société délivre un certificat de solvabilité attestant que la SPE est en mesure de payer ses dettes. Si elle n’est pas en mesure de fournir ce certificat, le capital minimal exigé pourrait être fixé à 8 000 €.
• Des divergences demeurent entre les États membres sur différentes questions (participation des salariés, montant du capital social…), qui font pour l’instant obstacle à sa consécration.
§ 4 –
État actuel du droit positif des sociétés au regard de ses sources
Ce sont les sources habituelles et principales du droit des sociétés ; sources largement influencées, comme on l’a vu, par le droit communautaire. À ce titre on rappellera que :
– les art. 1832 à 1844-17 C. civ. constituent le droit commun des sociétés (civiles ou commerciales) ;
– les art. 1845 à 1870-1 C. civ. régissent les seules sociétés civiles ;
– les art. 1871 à 1873 C. civ. régissent les sociétés en participation ;
– que figurent dans le Code de commerce les dispositions communes aux sociétés commerciales et les dispositions particulières à chacune des sociétés commerciales (C. com., art. L. 210-1 à L. 248-1, pour la partie législative et R. 210-1 à R. 228-26, pour la partie réglementaire, issu de la codification des dispositions du décret du 23 mars 1967) ;
– que de nombreuses dispositions intéressant le droit des sociétés se trouvent éparpillées dans différentes lois ou règlements.
II –
Sources d’origine administrative
Ces sources sont de plus en plus nombreuses : réponses ministérielles, qui n’ont aucune valeur juridique mais auxquelles les praticiens attachent une certaine valeur ; circulaires et instructions ministérielles ; règlements et actes divers des autorités administratives, telle que l’Autorité des marchés financiers (AMF ; v.
➜).
III –
Doctrine et jurisprudence
La doctrine et la jurisprudence jouent par ailleurs, comme dans la plupart des domaines juridiques, un rôle important. D’autant que les textes législatifs et réglementaires apparaissent assez souvent incomplets ou imprécis et appellent donc une interprétation des magistrats, éclairés par les travaux de la doctrine. Les juges ont un rôle de premier plan en droit des sociétés (v.
➜).
Pour aller plus loin
Bibliographie :
Traités et manuels (à consulter dans leur dernière édition)
• M. Cozian, A. Viandier et Fl. Deboissy, Droit des sociétés, Litec.
• B. Dondero, Hypercours, Droit des sociétés, Dalloz.
• P. Le Cannu et B. Dondero, Droit des sociétés, Domat Montchrestien.
• A. Couret, A. Charvériat, B. Zabala, avec le concours de B. Mercadal, Mémento Francis Lefebvre, Sociétés commerciales.
• J. Mestre et D. Velardocchio, Lamy, Sociétés commerciales.
• Ph. Merle, Sociétés commerciales, Précis Dalloz, avec le concours d’A. Fauchon.
• J.-M. Moulin, Droit des sociétés, Gualino.
• B. Petit, Droit des sociétés, Litec, Objectif droit.
• G. Ripert, et R. Roblot, Traité de droit commercial, LGDJ, tome 1, vol. 2, par M. Germain, avec le concours de V. Magnier.
• D. Vidal, Droit des sociétés, LGDJ.
Encyclopédies juridiques
• Répertoire Sociétés Dalloz
• Juris-classeur Sociétés Traité
• Dictionnaire Joly Sociétés
Revues spécialisées
• Bulletin Joly Sociétés (Bull. Joly).
• Droit des sociétés, éd. Juris-classeur (Dr. soc.).
• Revue des sociétés (Rev. sociétés).
Rubriques de droit des sociétés des revues juridiques générales :
• Bulletin rapide de droit des affaires (BRDA), éd. Francis Lefebvre.
• Recueil Dalloz avec les notes de A. Lienhard.
• Revue de jurisprudence de droit des affaires (RJDA), éd. Francis Lefebvre.
• Revue Lamy de droit des affaires, éd. Lamy.
Chroniques spécialisées
• Recueil Dalloz (D.) : sommaires commentés par J.-Cl. Hallouin et E. Lamazerolle.
• JCP édition Entreprise (JCP E), Chron. Fl. Deboissy et G. Wicker.
• Revue trimestrielle de droit commercial (RTD com.), Chron. A. Constantin, P. Le Cannu et B. Dondero.
Codes spécialisés
• Code des sociétés et des marchés financiers, Dalloz (par A. Lienhard et J.-P. Valuet).
• Code des sociétés et autres groupements, Litec (par F. Deboissy et G. Wicker).