Introduction
Présentation générale des Finances publiques
Cette introduction a pour objet principal de présenter l’objet et le contenu des Finances publiques. À l’effet d’y parvenir, il s’agit d’abord de définir les Finances publiques, ensuite de montrer l’évolution historique qu’elles ont connue, puis d’établir les sources de cette discipline, enfin de présenter le plan poursuivi par cet ouvrage.
Jean Bodin écrivait en 1576 dans La République : « Les finances publiques sont le nerf de l’État ». Ce disant, selon MM. Gaudemet et Molinier (Finances publiques, Monchrestien, p. 11 s.), Bodin souhaitait montrer que les finances publiques étaient à la fois le miroir de l’État et le moteur de l’État : miroir, dans la mesure où un État peut apparaître comme libéral ou interventionniste en fonction des prélèvements qu’il opère sur les personnes, des actions qu’il conduit et des dépenses qu’il effectue ; moteur, dans la mesure où les finances publiques permettent à l’État d’agir sur l’économie, ou à tout le moins d’en régulariser le cours, mais également d’agir sur la vie politique (pour assurer la paix civile, pour éviter des mouvements populaires liés à la précarité ou à la pauvreté, l’État procède à des redistributions sous forme d’impôts négatifs, tels que la prime pour l’emploi ou PPE, le revenu de solidarité active ou RSA).
Cette première approche peut donner à penser que les finances publiques sont étroitement liées au seul État, à l’exclusion de toute autre organisation ou collectivité. Et il est vrai que l’histoire montre que la matière financière s’est d’abord développée en étroite relation avec l’État. En effet, les démocraties modernes sont toutes nées du principe de consentement à l’impôt, issu de la Magna Carta de 1215 en Angleterre, et consacré sous la Révolution française par la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen (art. 13 et 14), principe qui a conduit à l’apparition du régime parlementaire.
En bref, les finances publiques ont été à la fois cause et conséquence de l’État. Cause, en tant qu’elles ont conduit à la création de l’État, conséquence de l’État, en tant qu’elles ont permis la construction d’un droit, le droit financier qui se décline lui-même en plusieurs composantes (droit budgétaire, droit de la comptabilité publique).
Mais avec l’évolution du temps, notamment au XXe siècle (2 guerres mondiales, crise économique de 1929, suivie ultérieurement de crises multiformes, développement et prise en compte des besoins sociaux), les finances publiques ont vu leur domaine s’accroître considérablement : l’acteur principal des finances publiques n’est plus le seul État, car autour de lui est apparu un nombre considérable d’autres acteurs, plus ou moins indépendants, mais toujours dans sa mouvance, qui se sont profondément inspirés des méthodes et des règles initiées au niveau de l’État (collectivités territoriales, Sécurité sociale, Union européenne...).
Actuellement, le domaine des finances publiques se caractérise par l’existence d’une part de prélèvements obligatoires – qui peuvent prendre la forme de l’impôt, mais aussi toute autre forme –, d’autre part par des dépenses dont l’objet peut être des plus varié, tout en étant dominé par l’intérêt général.
Il est alors possible de définir les finances publiques à partir des normes européennes de la Comptabilité nationale (SEC 2010) comme étant les finances des administrations publiques, qui sont constituées par :
– l’État et les établissements publics administratifs nationaux ;
– les collectivités territoriales et les établissements publics administratifs locaux ;
– la nébuleuse que constitue la Sécurité sociale.
Il convient également de prendre en compte les finances de l’Union européenne, dans la mesure où l’Union dispose de ressources propres (qui lui appartiennent en propre), qui ne sont pas de simples contributions d’État, et qui ont un impact réel sur les finances de l’État.
Il s’agira ici d’étudier les ressources et les dépenses de ces administrations publiques, principalement sous l’angle des règles de droit auxquelles elles sont soumises, mais aussi sous l’angle économique.
Le droit des finances publiques est le fruit d’une longue évolution. Pour s’en tenir à la période contemporaine, il prend consistance avec les États généraux réunis en mai 1789, il se développe en même temps que le régime parlementaire sous la Restauration et la Monarchie de Juillet, il prend toute son ampleur sous la IIIe République qui révèle la puissance du Parlement. La IVe République tend à préserver l’héritage de la République précédente, mais laisse apparaître les mutations ultérieures (décret du 19 juin 1956). Enfin, la Ve République consacre la primauté de l’Exécutif et remanie en conséquence le droit budgétaire ; c’est le fait tout d’abord de l’ordonnance organique du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances (en vigueur jusqu’en 2005), puis, à la suite de tentatives de réformes ayant échoué (budget fonctionnel, RCB), de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, dite LOLF (en vigueur depuis le 1er janv. 2006).
L’État présentait de manière classique ses finances sous la forme de
moyens mis à la disposition de ses divers ministères, sans pour autant faire apparaître les finalités de son action. L’idée de prendre en compte les
buts que l’État poursuit est née en 1973, à l’instar du modèle des États-Unis, et s’est concrétisée par la création du
budget fonctionnel ; le budget fonctionnel présentait les dépenses publiques non plus par crédits affectés aux ministères, mais par
grandes fonctions exercées par l’État : éducation et culture, santé, agriculture, logement, extérieur, défense... Ce budget fonctionnel, séduisant par sa présentation, mais se révélant peu utile et peu efficace (il s’agissait d’un simple document d’information, remis aux parlementaires) fut supprimé en 1989.
Cependant, l’idée de présenter les grandes fonctions de l’État et d’en retracer l’utilité et l’efficacité en termes financiers est une idée vivace et persistante, si bien qu’à la même époque sont apparus les
budgets de programme (BP)
, fondés sur la technique de la
Rationalisation des choix budgétaires (RCB)
.
La technique de la RCB est là encore inspirée de la technique américaine du PPBS (Planning, Programming, Budgeting System), mise en œuvre à partir de 1961 par le Secrétaire d’État à la Défense, M. Mac Namara, ancien PDG de Ford Motor Company, en vue de gagner la Guerre du Vietnam et appliquant à la gestion publique les méthodes de management en vigueur dans le secteur privé. La RCB entendait étudier les choix budgétaires de manière rationnelle et scientifique en utilisant une méthode se déroulant en trois étapes : 1) dans une première étape, il s’agissait de définir les objectifs poursuivis par une action publique ; par exemple, la Direction des routes du ministère de l’Équipement avait le choix entre deux objectifs différents : opter pour la fluidité du trafic routier (donc favoriser la vitesse maximale des véhicules) ou opter pour la sécurité optimale (donc réduire les accidents de la route) ; 2) dans la deuxième étape, une fois l’objectif fixé, il convenait de recenser les coûts et les avantages respectifs des moyens utilisés pour réaliser cet objectif ; dans l’exemple retenu (diminution des accidents), les moyens envisagés sont variés (multiplication des autoroutes, aménagement des carrefours dangereux...) et pas nécessairement budgétaires (limitation de vitesse) ; en principe, ce sont les moyens les plus rentables et les moins onéreux qui sont pris en compte ; 3) lors de la troisième étape, on mesure les résultats obtenus au moyen d’indicateurs systématiques (tels que le nombre et la gravité des accidents de la route) ; ces indicateurs permettent de corriger les moyens retenus dans la deuxième étape.
Cette technique, intellectuellement séduisante, a été un échec en raison des réticences d’une partie de l’administration à la mettre en œuvre (la technique conduisait à favoriser tel ou tel service au détriment d’un autre) et des réticences des politiques à son égard (la technocratie était privilégiée par rapport à la démocratie). Aussi bien, les budgets de programme qui présentaient les dépenses publiques selon cette technique n’étaient que de simples documents d’information des parlementaires, au demeurant peu lisibles. Apparus en 1970, les BP ont disparu en 1995.
Il faut noter que la LOLF est largement la traduction actuelle de cette volonté de passer d’un budget retraçant les moyens destinés à l’activité publique à un budget orienté vers la recherche de la performance de cette même activité et permettant d’en mesurer l’efficacité en termes financiers à l’aide d’indicateurs très similaires à ceux que la RCB avait établis.
Pendant longtemps les sources étaient uniquement des sources de droit interne. Aujourd’hui, sous l’influence de l’Europe, ces sources internes sont complétées par des sources de droit de l’Union européenne.
Les principaux textes relatifs aux finances publiques sont :
A – La Constitution de 1958
Elle contient diverses règles et divers principes qui affectent les finances publiques :
• Les principes ont surtout une incidence sur la matière fiscale : égalité devant la loi (art. 2), autorité judiciaire gardienne de la liberté individuelle (art. 66, qui a pour effet de limiter les pouvoirs de l’administration fiscale, par exemple en matière de perquisitions ou de saisies).
• Les règles concernent la matière budgétaire : article 34 (compétence du Parlement en matière de lois de finances et en matière fiscale), article 39 (les projets de loi de finances sont soumis d’abord à l’Assemblée nationale), article 40 (encadre le droit d’amendement du Parlement en matière financière), article 47 (fixe les délais d’adoption des lois de finances).
B – La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et le Préambule de 1946
Ayant valeur constitutionnelle selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, ces textes sont souvent invoqués à l’appui d’une saisine, essentiellement en matière fiscale. Ainsi de l’article 6 (égalité devant la loi, dont la loi fiscale) parfois retenu à l’appui de la censure d’une loi fiscale votée par le Parlement (Cons. const. 27 déc. 1973, no 73-51 DC, Taxation d’office), de l’article 8 (non-rétroactivité des lois répressives, ce qui a toujours une incidence sur les lois d’impôt). Mais les principaux articles visés à l’encontre des lois fiscales sont les articles 13 et 14 de la Déclaration.
Aux termes de l’article 13, « Pour l’entretien de la force publique et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ; l’égale répartition des charges impliquant la réalisation d’un minimum de justice entre tous les citoyens, un système d’imposition progressif est préférable à un système d’imposition proportionnel (Cons. const. 28 déc. 1990, no 90-285 DC, CSG).
Quant à l’article 14, qui dispose que « Tous les citoyens ont le droit de constater par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée », s’il n’est qu’un simple rappel du principe du consentement à l’impôt, il est lui aussi régulièrement invoqué (Cons. const. 30 déc. 1981, no 81-133 DC, LF pour 1982).
En revanche, les dispositions du Préambule de 1946, qui énoncent un certain nombre de droits sociaux (droit à l’éducation, droit à la santé...), sont beaucoup trop générales pour pouvoir imposer des obligations aux textes de lois.
C – Les textes financiers : de l’ordonnance du 2 janvier 1959 aux lois organiques du 1er août 2001 et du 17 décembre 2012
Ces textes sont des lois organiques, c’est-à-dire des lois dont le contenu est matériellement constitutionnel, parce qu’elles sont relatives à l’organisation et au fonctionnement des pouvoirs publics. Mais, faute pour le constituant de pouvoir énoncer des règles détaillées dans le domaine financier, ces lois ne peuvent être adoptées ou modifiées que selon une procédure particulière, plus contraignante que la procédure législative ordinaire (examen obligatoire et automatique de leur conformité à la Constitution par le Conseil constitutionnel) et se placent à un échelon intermédiaire entre la constitution et la loi ordinaire. Malheureusement, par abus de langage et par un raccourci aussi commode qu’erroné, ces textes sont parfois appelés « constitution financière »... sans en avoir la valeur juridique. Par conséquent, ils ne font pas partie du bloc de constitutionnalité.
Sous l’empire de l’ordonnance n° 59-2 de 1959, un débat doctrinal important s’était instauré sur la valeur juridique de cette ordonnance : certains considéraient qu’elle avait valeur constitutionnelle ou quasi-constitutionnelle, au motif que le Conseil constitutionnel se référait directement à certaines de ses dispositions à l’occasion de ses décisions. Mais c’était oublier que la Constitution renvoyait elle-même à une loi organique (en l’espèce une ordonnance de l’article 92 de la Constitution qui avait valeur de loi organique) le soin de préciser les dispositions financières relatives aux lois de finances et que, en renvoyant elle-même au texte constitutionnel, cette ordonnance ne faisait qu’appliquer la Constitution. Autrement dit, le support des décisions du Conseil constitutionnel demeurait bien seulement la Constitution. Ce débat est désormais clos, depuis la décision du Conseil constitutionnel du 25 juillet 2001 (no 2001-448 DC) relative à la nouvelle loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001, relative aux lois de finances, dite LOLF.
Ces deux textes financiers (ordonnance de 1959 et LOLF) se sont appliqués de façon en partie cumulative entre le 1er janvier 2002 et le 1er janvier 2005, la LOLF entrant progressivement en vigueur et l’ordonnance de 1959 n’étant abrogée qu’à partir du 1er janvier 2005. Si l’ordonnance de 1959 comptait seulement 46 articles, la LOLF en compte 68.
Ces textes ont un contenu à la fois précis et exhaustif. Ils fixent les principes du droit budgétaire (unité, spécialité...), précisent les ressources et les charges de l’État et explicitent le contenu et la présentation des lois de finances, les procédures d’examen et de vote des lois de finances par le Parlement, l’information du Parlement et les contrôles opérés sur ces mêmes lois de finances.
En outre, pour se conformer aux obligations du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire en date du 2 mars 2012, a été adoptée la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012, relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques. Cette dernière loi organique crée notamment un Haut conseil des finances publiques, présidé par le 1er Président de la Cour des comptes, qui émet des avis sur la fiabilité des prévisions budgétaires retenues par le gouvernement.
D – Le décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique
Il succède au décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique et précise les règles relatives à l’exécution des lois de finances tant en recettes qu’en dépenses.
II –
Les sources communautaires
Les traités internationaux ayant une valeur juridique supérieure à la loi (art. 55 Constitution), le traité de Rome et les traités qui lui ont succédé (Maastricht, Amsterdam…) ont rendu directement applicables en France un certain nombre de dispositions à caractère financier et fiscal.
Dès le traité de Rome entré en vigueur le 1er janvier 1958, l’harmonisation des impôts indirects et des taxes sur le chiffre d’affaires était prévue (art. 93 CE). Cette harmonisation n’est qu’en partie réalisée, le texte le plus important et le plus symbolique restant la 6e directive du 17 mai 1977 relative à l’assiette uniforme de la TVA.
Mais c’est surtout avec la volonté d’harmoniser les politiques économiques des États membres que les incidences sur le droit budgétaire national sont les plus significatives. Selon le rapport Werner (15 oct. 1970), la politique économique d’un État est en effet constituée de deux composantes : la politique monétaire et la politique budgétaire, ces deux politiques étant étroitement liées. Lorsque le traité de Maastricht a été signé le 7 février 1992, les États qui l’ont ratifié ont décidé que la politique monétaire deviendrait à partir du 1er janvier 1999 une politique commune. À cet effet, est créée une monnaie unique, l’euro, dont la gestion incombe au Système européen de banques centrales (SEBC), qui réunit la Banque centrale européenne (BCE) et les banques centrales nationales, toutes devant être indépendantes de tout pouvoir politique, qu’il soit national ou communautaire. Désormais la politique monétaire (émission de billets de banques et de pièces de monnaie, fixation des taux d’intérêt...) est fixée par la BCE. Autrement dit, la souveraineté monétaire des États ayant adhéré à l’euro disparaît.
La politique budgétaire étant comme on l’a vu indissociable de la politique monétaire, faute de pouvoir harmoniser les politiques budgétaires des États, le traité de Maastricht a imposé aux États une
discipline budgétaire (art. 126 TFUE, ex-art. 104 CE), fondée sur deux critères :
– les déficits publics (État, collectivités territoriales, Sécurité sociale) ne doivent pas dépasser 3 % du PIB,
– la dette publique (État, collectivités territoriales, Sécurité sociale) ne doit pas dépasser 60 % du PIB.
A – Le Pacte de stabilité et de croissance
Les deux critères précités n’étaient initialement conçus que comme des critères de convergence, permettant aux États qui les respectaient d’adhérer à la zone euro. Mais pour assurer la pérennité de la monnaie unique (faible taux d’inflation, taux d’intérêt peu élevés) les États sont convenus de les reprendre dans le Pacte de stabilité et de croissance, qui comprend trois éléments :
– la résolution du Conseil européen d’Amsterdam du 17 juin 1997, qui est un accord politique ;
– le règlement (CE) no 1466/97, relatif à la surveillance des positions budgétaires et des politiques économiques des États membres, qui tend à prévenir les dérives budgétaires des États ;
– le règlement (CE) no 1467/97, relatif à la mise en œuvre de la procédure de déficit excessif constaté dans les finances d’un État, qui sanctionne les États qui ne respectent pas la règle des 3 %.
Le Pacte de stabilité et de croissance impose des obligations aux États, tout en instaurant une procédure de surveillance des déficits publics :
• Le Pacte oblige les États qui participent à l’euro à présenter un programme triennal de stabilité, qui doit être actualisé chaque année et qui doit présenter les objectifs des comptes publics à moyen terme. Pour la France, le dernier programme couvre la période 2015-2018. Ce programme doit être conforme à la recommandation du Conseil ECOFIN (art. 121 TFUE, ex-art. 99 CE) qui fixe les Grandes orientations des politiques économiques des États (GOPE) et c’est sur la base de ce programme que s’exerce la procédure de surveillance.
• La procédure de surveillance est la suivante : chaque année, en mars de l’année n+1, la Commission constate si un État membre a violé le critère du déficit de 3 %. Elle enjoint l’État concerné de rétablir sa situation dans un délai de 9 mois. Parallèlement, le Conseil adopte une recommandation (non publique) qui est transmise à l’État visé en lui demandant de remédier à son déficit : si l’État réduit son déficit, la recommandation est abrogée ; à l’inverse, s’il ne le réduit pas, le Conseil peut d’abord rendre publique sa recommandation, ensuite mettre l’État en demeure de réduire son déficit dans un délai déterminé, enfin prendre des sanctions (amendes pouvant atteindre 0,5 % du PIB de l’État et déposées sans intérêt auprès de la BCE !).
Cette procédure lourde de conséquences pour un État connaissant par hypothèse des difficultés a dû être assouplie, notamment à la suite d’une procédure pour déficit excessif engagée contre la France et l’Allemagne en 2004 et qui a même conduit à la saisine de la Cour de Justice (CJCE 13 juill. 2004, aff. C-27/04, Commission c/ Conseil).
Les deux règlements de 1997 ont en conséquence été assouplis en 2005 (règlements (CE) no 1055/2005 et no 1056/2005 du 27 juin 2005) : le dépassement du taux de 3 % du PIB est considéré comme exceptionnel s’il résulte d’un taux de croissance négatif ou d’une baisse cumulative de la production pendant une période prolongée de croissance très faible par rapport au potentiel ; les délais accordés pour corriger un déficit excessif sont allongés.
B – Les conséquences de la crise économique et financière
Ce bel édifice a été bouleversé par la crise économique et financière apparue en 2008 (crise des subprimes aux États-Unis), suivie d’une crise des dettes souveraines de la zone euro (Grèce, puis Irlande, Portugal, Espagne...), qui a conduit les États membres de l’Union, à la suite de nombreux Conseils européens, à revoir certaines règles budgétaires.
Dans un premier temps sont apparus des mécanismes, d’abord temporaires, d’aides aux États ayant des difficultés : le FESF (Fonds européen de stabilité financière), créé en mai 2010, mais limité à la zone euro, puis le MESF (Mécanisme européen de stabilité financière), créé en janvier 2011, qui est applicable à tous les États de l’Union. Ces 2 mécanismes n’ayant aucun fondement juridique dans les traités de l’Union, le traité du 11 juillet 2011 (adopté selon la procédure de révision simplifiée de l’article 48-6 TFUE) organise leur fusion et leur remplacement par le MES (Mécanisme européen de stabilité) à compter de juillet 2012. Le MES est habilité à lever des fonds sur les marchés financiers pour un montant de 500 milliards € dans le but d’aider les États ayant des difficultés économiques.
En outre, le dispositif du Pacte de stabilité et de croissance a été renforcé par divers textes (« six pack » en 2011 et « two pack » en 2013), imposant notamment une surveillance accrue des budgets nationaux par la procédure du « semestre européen » : les États doivent désormais remettre à la Commission leurs programmes de stabilité (ou de convergence) au mois d’avril, le Conseil européen les étudie et adresse ses recommandations au plus tard fin juin.
Dans un second temps, le 2 mars 2012, les États de l’Europe des 27, à l’exception du Royaume-Uni et de la République tchèque, ont signé le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (TSCG), couramment appelé Pacte budgétaire. Ce nouveau traité entré en vigueur le 1er janvier 2013, ne remet pas en cause le Pacte de stabilité et de croissance, qui s’impose à tous les États membres, mais s’ajoute à lui dans la mesure où il concerne en priorité les États de la zone euro et se situe dans une perspective intergouvernementale évolutive, de nature à permettre des avancées politiques. Il ne sera intégré dans le TFUE qu’en 2017.
Le Pacte budgétaire institue plusieurs règles (art. 3), dont la « règle d’or » :
– les budgets des administrations publiques des États doivent être présentés en équilibre ou en excédent (règle d’or) ;
– le déficit structurel (qui n’est pas le déficit nominal) autorisé est de 0,5 % pour « l’objectif à moyen terme » que chaque État se fixe en application du règlement no 1466/97 du 7 juillet 1997, modifié par le règlement no 1175/2011 du 16 novembre 2011 ; toutefois deux exceptions sont prévues : en cas de circonstances exceptionnelles sur lesquelles le gouvernement n’a pas de prise ; en cas de dette publique inférieure à 60 % du PIB, l’État peut avoir un déficit structurel de 1 % ;
– chaque État veille à assurer une convergence rapide vers son objectif à moyen terme ;
– au-delà du seuil de 0,5 %, des mécanismes de correction sont automatiquement enclenchés ;
– en cas de déficit supérieur à 3 % du PIB, les sanctions sont quasiment automatiques.
Toutes ces règles doivent être introduites dans la législation nationale des États, « par voie constitutionnelle, de préférence » (en France, loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques ou LOPGFP). Tout État qui estimerait qu’un autre État n’a pas introduit ces règles dans son droit national peut saisir la Cour de Justice de l’Union européenne à l’effet de le contraindre à le faire, l’arrêt de la Cour pouvant être assorti de sanctions pécuniaires pouvant aller jusqu’à 0,1 % du PIB de l’État concerné (art. 8).
L’ensemble de ces contraintes exigées par l’Europe montre en tant que de besoin l’emprise croissante du droit communautaire sur le droit public financier national.
Désormais le budget de l’État n’est certes plus qu’une composante de l’ensemble que constituent les administrations publiques, entendues au sens communautaire du terme (État, collectivités territoriales, sécurité sociale). Toutefois, il en est souvent l’élément le plus important en raison, à la fois, de la masse des crédits qui lui sont alloués et de la politique économique qu’il a pour mission de définir : cela explique les crises subies par certains États, tels la Grèce et autres, crises liées à la défiance des marchés financiers (qui sont les souscripteurs d’emprunts) manifestant leurs réticences à l’égard d’une zone euro mal définie et insuffisamment intégrée.
L’ambition de cet ouvrage – qui reste avant tout un mémento – est de présenter, de manière aussi claire et exhaustive que possible, l’ensemble des règles qui concernent le domaine des finances publiques, étant précisé et rappelé que ce domaine s’exprime au travers du document fondamental qu’est le budget. Pour tenter d’atteindre ce but, l’ouvrage se présente en deux parties :
– la première partie est consacrée aux finances de l’État ;
– la seconde partie traite des finances des institutions publiques autres que l’État, c’est-à-dire des finances de trois institutions qui ne sont pas neutres par rapport à celles de l’État, dans la mesure où d’une part elles ont une incidence certaine sur les finances de ce dernier et où d’autre part elles se sont inspirées des techniques propres à l’État quitte à les adapter à leurs spécificités. Il s’agit des finances locales, des finances de la Sécurité sociale et des finances de l’Union européenne.
Pour aller plus loin
Bibliographie générale :
• Seuls sont indiqués les manuels généraux présents dans les bibliothèques universitaires et renvoyant à une bibliographie spécifique pour approfondir les thèmes étudiés d’un point de vue historique, sociologique ou socio-économique.
• F. Adam, O. Ferrand, R. Rioux, Finances publiques, Dalloz, coll. « Amphi », 2010
• J.-L. Albert, L. Saïdj, Finances publiques, Dalloz, coll. « Cours », 2013
• M. Bouvier, M.-C. Esclassan, J.-P. Lassale, Finances publiques, LGDJ, 2010
• S. Damarey, Finances publiques, Gualino, 2014
• E. Douat, X. Badin, Finances publiques, PUF, 2006
• P.M. Gaudemet, J. Molinier, Finances publiques, t.1, Montchrestien, 1996
• P. Lalumière, Les finances publiques, A. Colin, 1986
• J.-C. Martinez, P. Di Malta, Droit budgétaire, Litec, 1999
• R. Muzellec, M.Conan, Finances publiques, Sirey, coll. « Intégral Concours », 2013
• G. Orsoni, C.Viessant, Éléments de finances publiques, Economica, 2005
• J.-F. Picard, Finances publiques, Litec, 2009
• On signalera que, outre les revues juridiques classiques, deux revues s’intéressent directement aux problèmes financiers : la Revue française de Finances publiques (RFFP) ; la revue Gestion et Finances publiques (ex-revue du Trésor).
Principaux sites Internet concernant la discipline :
L’essentiel
Cette distinction est apparue progressivement avant d’avoir été consacrée par la Constitution de 1958 et les lois organiques subséquentes. Cependant dans le langage courant, les deux notions sont largement confondues.
La notion centrale a longtemps été la notion de
budget. Ainsi, le décret du 31 mai 1862 portant règlement général sur la comptabilité publique disposait : « Le
budget est l’acte par lequel sont prévues et autorisées les recettes et les dépenses annuelles de l’État ». Il ressortait de cette définition que le budget présentait trois caractères : il était un acte de
prévision, il était un acte d’
autorisation, il était
annuel. Sur le plan formel, le budget était une loi adoptée par le Parlement, mais son contenu pouvait donner à penser qu’il s’agissait d’un acte administratif (présentation de comptes).
Suite à l’intervention de plus en plus forte de l’État dans l’économie (2 guerres mondiales, crise économique de 1929...), la notion de
loi de finances va apparaître avec le décret du 19 juin 1956 pour se dissocier de celle de budget : « Le budget de l’État prévoit et autorise, en la forme législative, les charges et les ressources de l’État. Il est arrêté par le Parlement dans la
loi de finances qui traduit les objectifs économiques et financiers du Gouvernement ».
La Constitution de 1958 a repris cette notion pour d’ailleurs ne plus faire référence qu’à elle, en occultant totalement celle de budget (art. 34, 39 et 47). Les lois organiques prises en application de la Constitution préciseront la portée de ces deux notions.
Selon la loi organique du 1er août 2001 (art. 1er), « les lois de finances déterminent, pour un exercice, la nature, le montant et l’affectation des ressources et des charges de l’État, ainsi que l’équilibre budgétaire et financier qui en résulte ». La formulation est quasiment la même que celle figurant dans l’ordonnance du 2 janvier 1959, à la notable exception près que désormais les lois de finances ne fixent plus elles-mêmes un équilibre économique et financier, puisqu’elles se bornent à fixer un équilibre budgétaire et financier.
Cependant, l’article 1er poursuit : « Les lois de finances tiennent compte d’un équilibre économique défini, ainsi que des objectifs et des résultats des programmes qu’elles déterminent ».
Plusieurs éléments ressortent de cette définition :
– la loi de finances fixe l’équilibre budgétaire et financier, c’est-à-dire la politique budgétaire ; mais pour ce faire, la loi de finances tient compte d’un équilibre économique qu’elle ne définit pas elle-même, qui est distinct de la politique budgétaire, et qui ressort des agrégats économiques tirés de la Comptabilité nationale tels le taux de croissance économique, le poids des prélèvements obligatoires... La loi de finances a donc pour objet d’établir non plus la politique économique de l’État, mais seulement sa politique budgétaire et financière, sans pour autant faire abstraction de l’environnement économique dans laquelle elle se situe ;
– la loi de finances tient également compte des programmes qu’elle fixe, tant dans leurs objectifs que dans leurs résultats. Cette formulation, qui vise la cohérence et les finalités de l’action de l’administration, tend à la recherche de la performance dans les services publics.
Le budget est défini à l’article 6 de la LOLF : « Les ressources et les charges budgétaires de l’État sont retracées dans le budget, sous forme de recettes et de dépenses.
Le budget décrit, pour une année, l’ensemble des recettes et des dépenses budgétaires de l’État. »
Il ressort de cette définition que le budget constitue la partie comptable (ou chiffrée) de la loi de finances. Le budget se borne en effet à décrire les recettes et les dépenses, alors que la loi de finances fixe et décrit la politique budgétaire du Gouvernement et ses moyens d’action.
En conséquence, la loi de finances inclut le budget, mais elle dépasse largement ce cadre comptable dans la mesure où elle détermine la politique budgétaire.
Aussi fondamentale que soit cette distinction, les deux notions sont souvent confondues dans la pratique. Le langage courant, mais aussi les textes utilisent les termes de budget (discussion budgétaire, budget de l’année n...) aux lieu et place de loi de finances.
Les diverses sortes de lois de finances
Il existe quatre catégories de lois de finances :
– la loi de finances initiale (LFI) ou loi de finances de l’année, qui prévoit et autorise pour l’année à venir, les recettes et les dépenses de l’État ; c’est actuellement la loi de finances la plus importante (en raison du temps consacré à sa préparation et à son vote), mais eu égard à son caractère prévisionnel, elle comporte des aléas qui doivent être corrigés en cours d’exécution ;
– la loi de finances rectificative (LFR), encore appelée collectif budgétaire, intervient en cours d’année pour modifier (ou rectifier) les dispositions de la loi de finances de l’année (art. 35 LOLF), précisément pour tenir compte des aléas non prévus ou imprévisibles. On en dénombre généralement 1 ou 2 par an, mais ce chiffre est parfois dépassé à l’occasion de changements politiques (élections présidentielles de 1981 et 2012) ou de crises économiques (choc pétrolier de 1975, crise économique de 2008) où l’on en a compté jusqu’à quatre (en 2010 et 2011) ;
– la loi de règlement constate les résultats financiers de chaque année civile et approuve les différences entre les résultats et les prévisions de la loi de finances de l’année, complétée par les lois de finances rectificatives. Elle clôt l’exercice et intervient donc a posteriori. La fonction de cette loi de constat, jusqu’à présent peu prisée des parlementaires, devrait être renforcée par la LOLF ;
– les lois prévues par l’article 45 LOLF. Sont des lois de finances les lois adoptées selon des procédures d’urgence en cas de dépôt tardif du projet de loi de finances de l’année, ayant pour effet d’empêcher son adoption par le Parlement avant le début de l’exercice. Deux sortes de lois sont visées : les lois qui portent sur la première partie du projet de loi de finances, les lois qui autorisent la perception des impôts existants. Ces lois sont exceptionnelles.