Extrait
Introduction
Pierre Mendes-France écrivait que « le plus grand péril que court toujours la démocratie et le gouvernement du peuple par le peuple, c’est dans la négligence des citoyens [qu’il] réside. Car eux seuls peuvent les faire vivre dans une action incessante ou les laisser s’affaiblir par l’indifférence ou leur inertie. La politique appartient à tous et elle n’est pas la chose de ceux-là seuls qui s’y consacrent entièrement. » Pour faire vivre la démocratie, les citoyens doivent connaître leur pays et ses institutions. Ils doivent juguler leur indifférence, affronter le découragement que provoque chez eux la complexité du système politique. Or, en Belgique, celle-ci a atteint un degré inégalé. Les conflits communautaires ont provoqué, en moins d’un demi-siècle, six vagues de réformes institutionnelles qui ont transformé un État unitaire en un État fédéral. Cette mue est le produit d’innombrables tensions entre communautés et s’est traduite par une addition de compromis tortueux qui ont fait perdre aux institutions une part importante de leur lisibilité. Le citoyen est à la fois le bénéficiaire et la victime de ce processus. Il en est le bénéficiaire car la machine étatique n’a jamais été irrémédiablement bloquée et la paix civile a toujours été préservée. Il en est la victime parce que l’opacité du système politique l’incite à emprunter les voies de l’indifférence et de l’inertie. Dans un État comme la Belgique, plus encore qu’ailleurs, le spécialiste du droit constitutionnel a un devoir de pédagogie. Il doit, avec modestie et détermination, offrir aux citoyens les instruments de compréhension du système politique national. Le plus grand péril qui le guette est de se laisser happer par la complexité du système, de s’enivrer d’appartenir avec certains de ses collègues, quelques responsables politiques et quelques praticiens du droit à une caste au langage chiffré qui seule dispose des clefs historiques et juridiques de compréhension du système institutionnel. L’ambition de cet ouvrage est de rompre avec cette logique et d’offrir une explication des traits essentiels du système politique. Il ne s’agit pas d’une œuvre de vulgarisation. En effet, ce terme est insultant à l’égard du lecteur. Il induit l’idée qu’il faudrait s’abaisser ou l’abaisser pour lui permettre d’accéder à la compréhension de ce qui est exposé. Il s’agit au contraire, sans concession à la nécessaire rigueur de l’exposé, de livrer une vision épurée des institutions belges. Le but poursuivi est d’en décrire les traits essentiels, le noyau dur, afin de les rendre intelligibles, sinon familières. Bref, le présent ouvrage vise à offrir le socle minimal de compréhension de la vie politique et institutionnelle de la Belgique.
L’objectif ainsi défini explique la structure, délibérément simple, de la table des matières. Il s’agira, tout d’abord, de décrire les traits fondamentaux du système politique. La Belgique est un État constitutionnel, démocratique, parlementaire et fédéral (Chapitre 1er). Ensuite, seront examinées les institutions fédérales (Chapitre 2), les entités fédérées (Chapitre 3) et les juridictions (Chapitre 4).