Extrait

AVANT-PROPOS


Pourquoi le Vietnam ?

Le Vietnam n’est pas une guerre mais un pays. J’y suis arrivé en 1965, comme coopérant, et voilà donc un demi-siècle que j’y retourne régulièrement, souvent plusieurs fois par an. Ce pays représente une grande partie de ma part de rêve. Mes meilleurs amis y vivent ou y sont enterrés. J’y ai fondé une famille. J’ai découvert, et je découvre encore, les richesses humaines exceptionnelles de ce pays dont l’histoire a été à plusieurs reprises celle d’un martyre, comme le dit Bui Trân Phuong un peu plus loin dans ce livre.

Toutefois, ce qui continue de me fasciner le plus chez les Vietnamiens est leur capacité à rebondir, à reprendre leur élan, à relancer la vie, à se battre pour de meilleurs lendemains. Le Vietnam n’est pas le pays des ambitions démesurées. C’est celui de grandes résistances et, dans l’intervalle, quand la pression s’évanouit, de relâchements impressionnants. On ne fait pas faire aux Vietnamiens ce qu’ils ne veulent pas. Mais, une fois la tension dissipée, leur quotidien est à la fois fait de petites choses – des rois de la bricole, aux objectifs mesurés – et d’une volonté de s’améliorer, de se dépasser, d’aménager le futur de leurs enfants.

L’un des grands foyers culturels de l’Asie, la société vietnamienne n’arrête pas de créer, d’innover en dépit des freins imposés, le plus souvent, d’en haut. Trente ans de guerres et des millions de morts n’empêchent pas les générations d’écrivains et d’artistes d’y fleurir. Ce phénomène, comme la capacité des Vietnamiens à se ressaisir, pourrait aider le pays à prendre ses distances à l’égard d’un pesant « grand frère » chinois et ouvrir une période de réelles réformes. Mais cette partie cruciale, après une fin de vingtième siècle dominée par les guerres et la convalescence qui en a résulté, ne fait que commencer.