Extrait

AVANT-PROPOS


Pourquoi Bruxelles ?

« Bruxelles ma belle /Je te rejoins bientôt / Aussitôt que Paris me trahit » chante le Belgo-Néerlandais Dick Annegarn. Quelle est donc cette ville qui agit comme un aimant sur tant de Français, et pas forcément les plus fortunés, et qui a réussi en catimini (en stoemelings, dit-on en bruxellois) à se faire adouber capitale de l’Europe ? C’est sans doute un mélange de beaucoup d’ingrédients : une cité à taille humaine, très verte, pas arrogante pour un sou, qui fait penser à une agglomération de villages et même de hameaux, avec une diversité ethnique, linguistique, sociale et religieuse qui en font un fascinant kaléidoscope.

L’objectif de ce livre est d’entrer dans l’intimité de cette ville devenue « région » en 1989, qui ne se résume pas à la trilogie Grand-Place – Atomium – Manneken-Pis, et qui se retrouve aussi peu dans l’image de « Bronx-elles », véhiculée par ceux qui n’y habitent pas, que dans celle de monstre bureaucratique ressassée par les europhobes de tout poil.

C’est d’abord une ville qui ne se laisse pas appréhender facilement : ses secrets sont parfois enfouis derrière les façades, dans les îlots intérieurs, et même sous terre. C’est aussi une ville qui bouge et adore faire la fête sans chichis. Son dynamisme n’est pas seulement le produit de cette rencontre entre latinité, germanité et cultures venues d’ailleurs. C’est qu’elle doit sans cesse se réinventer, à l’image de la carnavalesque Zinneke Parade, tant son identité reste incertaine.

C’est enfin une tour de Babel qu’on aime ou qu’on déteste, en fonction de l’humeur, du temps, du quartier, des rencontres... Une ville de bric et de broc où l’affreux côtoie le splendide, où un parcours en tram fait entendre d’innombrables idiomes, où un audacieux bas-relief sur les passions humaines peut jouxter la grande mosquée financée par l’Arabie saoudite, où le Musée du slip de l’anarchiste Jan Bucquoy n’est qu’à un jet de pierre du Palais royal, où même la Grand-Place réussit à passer pour un modèle d’unité architecturale alors qu’elle oppose deux styles radicalement différents. On comprend pourquoi Bruxelles est tant prisée par les cinéastes : car elle peut passer pour n’importe quelle ville !